« Un bruit de course dans le gravier de l'allée, le cliquetis de la vaisselle en porcelaine. Des rires d'enfants, des discussions d’adultes. Un soleil aveuglant, une douce brise. Une réunion de famille dans la demeure principale des Malfoy. Un événement rare, mais apprécié davantage pour ce qu'il représentait. Cette royale lignée ne possédait pas l'esprit de famille le plus fort des neufs sacrés, l'ambition les rongeant tous plus ou moins dès le berceau, quitte à s’entre-tuer pour un pouvoir désuet. Néanmoins, lorsque l'envie cédait sa place à la fraternité cela donnait lieu à un sentiment étranger à beaucoup : le bonheur. Un bonheur teinté d'hypocrisie masquée, d'affabilité feinte, de mensonges, certes, et pourtant tout aussi délectable. Et Philip le goûtait davantage puisqu'il n'avait pas à se soucier du regard sévère de son père, enfermé à l’intérieur du fumoir avec les autres représentants mâles des Malfoy. Ce regard froid, strict, prêt à punir le moindre écart, la moindre bravade. Ce regard emplit de jugement qui le suivait jusque dans ses rêves. Ce regard qui lui avait cruellement volé son enfance. Huit ans. Un gamin. Un fruit devenu trop mûre trop vite. Descendants de rois. Fils de Cronos. Il connaissait sa place, ce qu'il valait et pourquoi il devait réussir. Soudain, ses doigts s’enlacèrent aux siens. Doux touché. Son rire résonna à ses oreilles. Douce musique. Encore ignorant de ces choses-là, il n'aurait pas nommé ce sentiment amour, pourtant elle était la seule à le rendre heureux. Boucle d'or. Synonyme affectif qui aurait pu coller à toutes ses autres cousines, mais dont il n'apostrophait qu'elle. Il résista un temps avant de finalement la rejoindre au milieu des autres enfants dans leurs jeux naïfs sous le regard indifférent de sa génitrice. Il craignait de voir apparaître le minotaure paternel à tout moment, mais il ne pouvait rien lui refuser. Eleanor. Il aurait bien volontiers plié sous les coups du patriarche pour elle. Innocemment, ils s'étaient dit plusieurs fois qu'ils se marieraient lorsqu'ils seraient plus grands. Badinage enfantin. Destin espéré. Désir impie. »



« Philip Malfoy. La voix de la professeure résonna dans l'immense salle. Les chuchotements cessèrent. Le silence pour seul compagnon, il gravit les marches menant à l'estrade, un air sérieux sur le visage. Sa beauté enfantine nullement altérée, elle n'en était rendue que plus provocante par la suffisance et l'assurance qui émanait du jeune garçon. Aucune appréhension ne semblait venir gâter ce doux minois, et pourtant son cœur cognait dans sa poitrine à lui faire mal. Il savait qu'il ne la rejoindrait pas. Il l'avait su au moment même où le choixpeau avait prononcé la douloureuse sentence. Poussoufle. Une maison qui ne serait nullement sienne. Son père avait distillé en lui une telle envie de pouvoir que seul Serpentard parviendrait à combler ses attentes. Alors, il n'avait rien montré de la détresse qui l'assaillait. Il était passé outre, simulant une confiance outrageante pour ses onze ans. De toutes manières, il ne restait chez lui d'enfantin plus que ses traits angéliques encadrés d'une tignasse blonde, tirant sur le brun.
Un sourire arrogant étira ses lèvres tandis qu'il s'asseyait sur la chaise, méprisant déjà tous ceux dont le sang se faisait sacrilège par son impureté. Il avait été élevé avec l'idée que les moldus et autres sang-mêlés ne valaient guère mieux que des meubles voire moins étant donné que leur vie n'avait aucune valeur. Des objets dont on pouvait disposer à tout moment. Des choses sur quoi on avait un droit de vie ou de mort.
La professeure leva alors son bras et plaça l'infâme couvre chef sur son crâne. Philip le sentit remuer, réfléchir, sa voix grave lui faisant écho. Impassible, il attendit le verdict. Il n'eut pas à patienter bien longtemps car quelques secondes à peine après avoir enfilé le choixpeau, ce dernier clama haut et fort :  Serpentard ! Un tonnerre d'applaudissements. Une surprise qui n'en était pas une. Il prétendit être satisfait. Demi-mensonge. Puis il se dirigea vers la table de sa nouvelle famille. Tableau ironique. Black et Malfoy côte à côte, de quoi croire aux miracles. Il ne put cependant s'empêcher de la chercher du regard. Eleanor lui souriait, tapant dans ses mains, le félicitant à distance. Une distance qui ne ferait que croître et décroître avec les années, les poussant davantage l'un vers l'autre. Destin tragique à qui ils ne pouvaient se soustraire. »



« […] mais promets moi de ne rien dire à mes parents. Cette affaire doit rester entre toi, moi, Jules et Lestrange. Visage de porcelaine aux traits tirés, Eleanor s'était placée devant son cousin. Elle le fixait avec prudence et détermination. Ce dernier se tenait, les points serrés, au milieu de la chambre. Rage. Désespoir. Culpabilité. Rancœur. Il ressassait inlassablement ces sentiments en son sein. Un goût amer rendait sa langue âpre. Il espérait qu'elle change d'avis, qu'elle accepte de se confier à ses géniteurs. Espoir vain. L'accident devait demeurer secret. Dans l'impossibilité de trahir sa confiance, il hocha la tête, acceptant sa reddition. Il ne dirait rien. Une vrai tombe. Et pourtant ce n'était pas l'envie qui lui manquait. En effet, il ne comprenait pas pourquoi un tel acte pouvait rester impuni aux yeux d'Eleanor. Pour lui, tout était clair : Lestrange devait payer et payer le prix fort. Il se promit alors de réduire en miette cet Alaistar, une envie dévorante qui le hantait, le rongeait de l'intérieur, ne laissant de lui qu'un être avide de vengeance. Il regrettait d'ailleurs amèrement de n'avoir pas pu agir avant, de ne pas avoir été là pour elle, de ne pas avoir pu la protéger contrairement à l'autre. Cet autre qui petit à petit lui prenait sa place dans ce cœur qui lui était si cher. Elle avait beau lui répéter le contraire, la belle Eleanor, il demeurait persuadé que cette amitié surpasserait leur amour malsain. Jamais, ô grand jamais, il n'aurait pensé se retrouver en position de faiblesse, apparemment trop talentueux pour rater quoique ce soit, mais face à Jules, il semblait perdre pied. Pire, il se sentait à présent redevable. Un sentiment dont il n'avait guère l'habitude. Alors, pour chasser ses idées noires, il enserra le frêle corps d'Eleanor entre ses bras, respirant le parfum floral de sa blonde chevelure. Paradis sur terre. Paix absolu. Tout semblait plus simple lorsqu'il n'y avait plus qu'eux deux. Il recula ensuite de quelques centimètres afin de plonger son regard dans le sien. Profondeurs abyssales où il se noierait volontiers. Il plaça ses mains de chaque côté de sa tête, ses pouces caressant délicatement les joues rosies par la proximité.  Soit, je ne dirai rien, mais je te promets El, je te promets de le détruire.  Il devait extérioriser cette fièvre qui le consumait, cette frénésie alimentée par la culpabilité, la rancœur, le dépit. Il n'en voulait pas seulement à Alastair d'avoir intenté à la vertu d'Eleanor, il s'en voulait également à lui même, pauvre égocentrique, trop obnubilé par ses propres ambitions, pour n'avoir rien vu venir, mais également à Eleanor de ne pas réagir. Il allait donc prendre sa revanche en éclaboussant de sang ses mains pécheresses. »



« T'es fiançailles avec la fille Rosier auront lieu dans moins d'une semaine. Un ordre plus qu'une affirmation, la voix qui l'avait établi n'en demeurait pas moins glaciale. Scorpius Malfoy était assis à son bureau, occupé à travailler, n'accordant aucun regard à son fils. Ce dernier se tenait debout, droit, impassible. Il le savait depuis des années. Sa naissance même l'y avait destiné d'une certaine manière. Alix Rosier allait devenir sa femme. Tôt ou tard il allait lui passer la bague au doigt que cela lui plaise ou non. Il avait secrètement espéré que cette désastreuse union ne soit par miracle annulée, mais il s'était malgré tout fait à l'idée. Les promesses de fiançailles et de mariage avaient été rédigées depuis bien des années. L'acte ne demandait plus qu'à être accomplit. Pour les ambitions familiales, paternelles et personnelles, il s’accommoderait de la fille, en dépit de son caractère indigne. Elle était une sang-pur et possédait une physionomie agréable. Alors, il se contenta de hocher la tête. Se rebeller ne servait à rien. Plus maintenant. Les dés étaient jetés. En fait, depuis qu'il avait appris qu'Elanor, sa cousine, et Jules, le frère de sa future femme, allaient également former un couple au sein de la société des neuf sacrés, il n'essayait plus de se battre. Terrible déception. Affreuse désillusion. Jalousie dévastatrice Certes, les baisers échangés à l’abri des regards indiscrets et les promesses stériles ne lui suffisaient plus, mais il n'avait pas été élevé dans l’opposition. Est-ce tout ce dont vous vouliez me parler ?  L’exécrable géniteur daigna lever un regard méprisant vers son héritier. L'échange fut bref, comme d'habitude. Ai-je l'air d'avoir envie d'ajouter quoique ce soit ?  Philip baissa la tête, un sourire aux coins des lèvres. Qu'il le détestait ce père admiré ! Que n'aurait-il pas donné pour lui prouver qu'il valait mieux que lui, mieux que tout le monde ? Mais, il se contenta de cacher son dédain et d’acquiescer avant de quitter le bureau. Cette homme l'avait forgé en lui autant toute témérité à son égard. Le devoir familial surpassait toute chose. Il se marierait donc avec Alix Rosier et verrait son âme sœur s'unir à un autre sans qu'il puisse agir. Néanmoins une pensée l'obsédait. Il devait la posséder avant quiconque. Imposer sa marque sur ce corps. Et ce à n'importe quel prix. »



« Être haïssable. Monstre sans cœur. Il se tenait devant la tombe du paternel, impassible, aussi froid et indifférent qu'à son habitude. Telle une marée noire envahissant le cimetière, tous les Malfoy étaient venus assister à l'enterrement. Personne n'était dupe, la perte de Scorpius Malfoy ne revêtait rien de tragique. Un soulagement plus qu'une peine. La maladie avait exacerbé son tempérament excessivement exécrable, le rendant infernal à quiconque le côtoyait. Néanmoins, les médias sorciers allaient s'emparer de l’événement, le rendant publique. Il fallait donc revêtir une mine de circonstance. Gravité contenue pour les hommes. Tristesse débridée pour les femmes. De Philip n'émanait cependant aucune émotion. Il se contentait de fixer le cercueil où reposait la dépouille de son père. Il ne l'avait jamais aimé. Sa perte ne représentait rien pour lui. D'ailleurs, il n'était présent que pour la bienséance aux côtés d'une fiancée qui ne s’intéressait pas plus que lui à tout cet exercice. Là encore, il avait été convenu qu'Alix Rosier soit présente aux obsèques auprès de son futur époux qui était dorénavant un des hommes les plus importants de la famille Malfoy pour satisfaire les exigences d'une société ridicule. Le bien paraître avant tout. Une hypocrisie qui donnait envie de vomir à Philip, bien qu'il s'y prêta lui-même quelques fois. Or, à présent, il allait devoir s'y soumettre quotidiennement s'il voulait continuer l’œuvre de son géniteur. Une tâche compliquée pour qui ne posséderait pas les épaules suffisamment larges. Le jeune Malfoy au contraire, faisait déjà grande impression dans le cercle des neufs sacrés par son sérieux, sa diplomatie et son ambition. Cela ne s'était cependant pas avéré suffisant pour siéger à la confédération internationale des sorciers. Il devait se contenter d'un simple poste d'ambassadeur. Un poste qu'il comptait bien évidement quitter pour un plus prestigieux dès que l'occasion se présenterait. Soudain, il releva sa tête et scruta la foule à sa recherche. Il la savait présente, il l'avait par ailleurs aperçue quelques minutes plus tôt. Peut-être que si Scorpius Malfoy avait rendu l'âme des années auparavant, les choses se seraient passées différemment. Peut-être qu'il aurait épousé Eleanor comme il l'avait tant de fois imaginé enfant. Un regard en coin. Cheveux sombres. C'était bel et bien Alix Rosier à ses côtés et non sa cousine. Dans un soupir las, sa fiancée à ses côtés, il tourna les talons et quitta l'assemblée. La jalousie plus que le deuil embrumât soudainement son humeur. Venez, vous comme moi n'avons aucune raison de demeurer plus longtemps. »