« Le jeune homme fait claquer ses chaussures italiennes sur le pavé, passant la grille protégeant le domaine familial. Il s’arrête un instant, lève les yeux et soupire. Il y a quelque chose qui le dérange, dans cette demeure qui ne change jamais, sans qu’il ne parvienne à mettre le doigt dessus. Des souvenirs affluent, il les bloque aussitôt, baisse les yeux sur son imperméable et d’un petit coup de main débarrasse son épaule d’une légère poussière. Il avance sur le chemin, la tête encore dans les dossiers qu’il a laissé sur son bureau le temps du week-end qu’il a promis à sa mère de passer ici.
Aussitôt qu’il passe l’entrée apparaît Pokpy, l’elfe de maison de la famille, et il esquisse son premier sourire. Policé, presque un peu froid sur le masque construit par des années d’éducation. « Comment va monsieur Marius ? » Marius se débarrasse de son manteau qu’il confie à l’elfe. « Bien, merci. Mes parents sont là ? » Pokpy lui répond que oui, ajoute que sa sœur aînée est dans sa chambre et que ses autres frère et sœurs sont attendus, encore au travail. Marius se dit qu’il aurait pu arriver plus tard, il déteste attendre, qui plus est, il a énormément de travail à abattre, et un chef qui attend beaucoup de lui. Après tout, il est un Rosier : on attend toujours beaucoup d’un Rosier. L’elfe s’occupe de sa valise et disparaît, tandis que le jeune homme laisse ses yeux se balader un instant dans l’entrée immuable.

⤜ golden memories
« Viens, Marius ! » Il est tout petit, à nouveau, peut-être quatre ans, pas plus de cinq. Sa grande sœur Alix lui tend sa main libre, et Marius la prend. De l’autre main, la petite fille tient un livre d’histoires dédiées aux enfants sorciers et qui retrace la grandeur de leur propre famille. Elle l’entraîne dans la grande bibliothèque, encore immense aux yeux du gamin qu’il est. D’un sourire, elle lui tend l’ouvrage qu’ils ont déjà lu en entier ensemble, et Marius s’empare de l’ouvrage avec assurance. Les mots filent d’entre ses fines lippes, de plus en plus facilement, et bientôt il arrive à la fin du premier chapitre. Il lève ses orbes azurés vers celles de sa sœur, qui sont remplies de fierté, puis sent une main ébouriffer ses cheveux. « C’est bien petit frère ! » Marius se retourne et son grand frère lui sourit. Il lui sourit à son tour, et se lève pour le prendre dans ses bras. Il est encore trop jeune pour se retenir, Marius, et  c’est comme ça que son amour de petit garçon s’exprime encore.

Ça lui laisse un goût amer dans le fond de la gorge de repenser à ça, ça le fait froncer les sourcils imperceptiblement et desserrer le nœud de sa cravate. Cette demeure trop pleine de souvenirs lui embrouille un peu l’esprit. Et il déteste ça, Marius, il aime que les choses soient claires dans sa tête. Il est froid, et sait se détacher de ses propres émotions. C’est ce qui constitue pour lui un grand atout au sein de son équipe : on n’hésite pas à lui donner les cas les plus difficile car on sait très bien qu’il ne s’y engagera pas émotionnellement. Dans la section pyschomagie, il est l’un des éléments les plus prometteurs même s’il n’est encore qu’en formation.
C’est calmement qu’il pose sa main sur la rambarde du gigantesque escalier et qu’il le monte, lentement. Il avait presque oublié à quel point son chez lui est grand, gigantesque, que cette architecture colossale pèse sur n’importe quelle personne qui n’a pas les épaules taillées pour. N’importe qui ne peut pas appartenir à la famille Rosier, tout ce qu’il y a dans cette propriété le hurle. Il ne sait pas s’il est fier d’en faire partie, mais ce qu’il sait, c’est qu’il en est l’un des meilleurs éléments. Malgré ce qu’en dit Jules depuis des années. Il serre les dents et ne répond jamais rien, Marius, mais les échecs l’ont rendu fort, peut-être trop.

⤜ wreck
Il monte quatre à quatre les grands escaliers, s’essouffle car ses jambes sont encore minuscules. Il a six ans, Marius, il sourit encore comme le gamin qu’il est, il joue. Il cherche la cachette idéale pour gagner cette partie de cache-cache qu’il veut absolument réussir. L’esprit de compétition est quelque chose qui se développe très vite, chez les Rosiers, même dans des jeux innocents. C’est avec malice qu’il rentre dans l’armoire, persuadé de ne pas en ressortir avant un bon moment. Il commence d’ailleurs même à s’assoupir un peu alors qu’il entend enfin la porte de la pièce s’ouvrir en grinçant. Il tend l’oreille pour savoir lequel de ses frères et sœurs vient et il reconnait les rires d’Alix et Jules. Il se retient de râler : qui a permis qu’on cherche à deux, non mais ! C’est contre les règles ! Alors il regarde par l’interstice pour les repérer un peu et…
Il avale sa salive de travers, se retient de tousser, fait un peu de bruit et se maudit. Il veut disparaître lorsque le regard de Jules tombe sur lui comme une flopée de poignards. Il s’excuse aussitôt, bafouille, veut partir, promet qu’il gardera sa bouche close, mais ça ne suffit pas. Quelque chose s’est brisé. Peut-être pour toujours. Quelque chose s’est immiscé dans sa tête et obscurci la vision qu’il avait d’eux, les jumeaux. C’est par la suite qu’il comprend beaucoup de choses qu’il n’aurait même pas dû noter entre ses deux frère et sœur, mais il ne dit rien. Il ne dira rien et fait semblant d’être aveugle et bête. Peut-être que s’il l’est vraiment, il aura la paix…

La paix, il ne l’a jamais eue sinon loin d’ici. Dans cette demeure, Marius a toujours était entouré des siens et de lui. Jules. Qui lui a fait vivre un enfer. Brisant sa confiance en lui, tous les jours, lui rappelant qu’il n’était que le cadet et qu’il était quantité négligeable. Lui rappelant sans cesse et sans cesse à quel point cette famille pouvait se passer de lui. Alors, Marius s’est raccroché à ses sœurs. Alix d’abord, qui partage son goût des livres et du savoir. Margot, grande sœur pleine de douceur qui tente encore de les rapprocher. Et puis Auriane et son innocence, sentant qu’il y avait quelque chose sans pouvoir savoir quoi. Il finit de monter, machinalement, se dirige vers sa chambre où l’elfe de maison a déjà déposé sa valise. Sur un mur est encore accrochée la bannière de sa maison de Poudlard, Serdaigle. La voir l’a très souvent rassurée et maintenant, alors qu’il la regarde une nouvelle fois, Marius sourit.

⤜ choice
Onze ans. Le Choixpeau sur la tête, Marius a peur. Il crève de trouille sur le tabouret en bois, devant Poudlard entier étalé devant ses pieds, le regard des professeurs derrière son dos. Ça doit faire un bon moment qu’il l’a sur la tête, et que le Choixpeau fait des bruits de bouche. Il réfléchit. Et pour Marius, ça commence à faire vraiment long. « Tu ferais un excellent Serpentard… » Aussitôt, l’angoisse court le long de sa colonne vertébrale et tend son dos. Il n’a pas envie. Parce que ça voudrait dire rejoindre Jules, dont il s’acharne à éviter le regard depuis trop longtemps pour que ça ne lui paraisse pas suspect. « Fuir les difficultés qu’on n’est incapable d’affronter pour le moment, c’est très approprié à cette maison, tu sais. Ça montre d’une certaine forme d’intelligence. » Il s’en fiche, tout mais pas Serpentard. Surtout pas. « Très bien alors… SERDAIGLE ! » Le Choixpeau lui est retiré, et le garçon soupire de soulagement. Il rejoint sa sœur Alix qui applaudit à toutes mains en lui souriant, prend place à côté d’elle et savoure l’étreinte qu’elle lui donne. Marius ne s’est jamais senti aussi libéré. Un poids vient de lui être enlevé, et des ailes d’aigle commencent à lui pousser dans le dos.


Il ouvre sa valise, sort ses affaires qui font s’accrocher et se ranger aussitôt grâce au sort qu’il a lancé. Tout est impeccable, comme d’habitude. Il tire un dossier de sa valise, qu’il a emmené malgré sa promesse de se reposer, et va le poser sur son massif bureau de chêne, qu’il débarrasse de ses parchemins d’un coup de baguette. C’est la seule chose qu’il exige ranger lui-même. Parce qu’il ne supporte pas qu’on s’implique dans son travail. Solitaire et perfectionniste.

⤜ even him
Il déteste les devoirs collectifs. Il déteste travailler en groupe. Par Merlin, il hait ça. Pourquoi, dès le premier cours de potions, il lui arrive ce genre d’incident ? Son acolyte a mal mélangé leur préparation et le tout leur a explosé à la figure. Dès. Le. Premier. Cours. Très bonne introduction. Marius lance un regard noir au Poufsouffle responsable du massacre, allongé dans un lit à côté du sien à l’infirmerie et pas encore réveillé. Celui-là va subir le courroux du Rosier pour le restant de sa scolarité. Il n’a pas grand-chose, Marius, si ce n’est un orgueil blessé, le faisant agir comme un coq. « Pourquoi il n’y a que des idiots, ici, Alix ? » Sa grande sœur rit franchement, lui ébouriffe les cheveux. Elle était là lorsqu’il s’est réveillé, parce qu’Alix est toujours là quoiqu’il arrive. « Ce n’est pas difficile d’être plus idiot que toi. » Elle est fière, comme lui, et sait comment lui parler. D’un coup de baguette rageur, il referme le rideau qui le sépare d’avec l’andouille et se sent tout de suite mieux. Margot aussi est venue, et il tire de ses sœurs un certain réconfort. Ce qu’il ne saura jamais de cet épisode, c’est que même Jules est venu. Même Jules.

Son regard tombe sur une pièce d’échec blanche, de nombreuses fois réparé par un sortilège. Un pion. Celui qui, à force de persévérance, peut devenir n’importe quoi dès qu’il attend la fin du plateau.


⤜ pride and prejudices
Cela fait plusieurs heures qu’ils sont l’un en face de l’autre, en silence. Ils s’affrontent. Marius a les pièces noires, elle a les blanches, et depuis déjà quelques temps, ils sont seuls dans la salle commune. Cette partie ne veut pas finir. Les amis de Marius l’ont mis au défi d’affronter le plus de monde possible à son jeu de prédilection et une fois qu’il eut terrassé de nombreux adversaires en moins de temps qu’il en faut pour le dire, elle s’est présentée. Aglaé Greengrass, une crinière de feu, un nom qui veut sonner aussi fort que le sien sans y parvenir, un orgueil au moins aussi gros que le sien à lui et, il vient de le constater à ses dépens, une grande intelligence tactique. « Echec et mat. » annonce-t-elle tranquillement. Marius met un peu de temps à réagir. Il regarde le jeu, les pièces, et s’insurge mentalement. Quoi ? Que s’est-il passé ? Sa fierté est piquée. La rouquine l’a eu sur son propre terrain. « Attends un peu, on fait la revanche ! » dit-il alors que la jeune fille se lève déjà pour rejoindre son dortoir. Elle se rassied avec un sourire hautain sur ses fines lèvres, parfaite réplique de celui du Rosier. « Ça ne changera pas grand-chose, tu as perdu. » Il ne répond rien, et d’un coup de baguette répare les pièces qui se mettent en place. Il lui propose les blancs et l’incite à commencer d’un coup de menton directif.

Ses mains passent sur les dos en cuir des livres qui s’alignent dans sa bibliothèque. Marius a toujours aimer lire, toujours aimé savoir et comprendre. Il sait que c’est une arme pour lui. Il sait que ça le rend d’une certaine manière supérieur aux autres, mais aussi différent. Toujours isolé, car incapable de voir que les autres pouvaient être intéressants. D’ailleurs, qu’ont-ils en commun avec lui ? C’est à cause de ce trop grand savoir qu’il est incapable de se mettre à leur niveau. Mais elle, plus d’une fois l’a surpris et tiré de sa solitude.

⤜ enigma
C’est la première fois qu’il est bloqué devant cette fichue porte. En trois ans, jamais il n’a loupé une seule énigme, et a d’ailleurs résolu énormément d’entre elles pour permettre à ses camarades, parfois agglutinés en dizaines, de rentrer. C’est un échec que d’être là, incapable de répondre, c’est à coup à sa fierté et des vieux démons qui réapparaissent. Il doit y répondre. Son esprit brillant, c’est sa seule valeur, pas question qu’il se ternisse. C’est là qu’elle apparaît, la rouquine. Aglaé a un sourire étalé sur ses fines lèvres, et Marius fait la moue. Il n’a pas envie qu’elle la ramène. Même s’ils s’affrontent toujours depuis plus d’un an autour d’un échiquier, il y a toujours une sorte de méfiance entre eux, due aux haines de leurs familles respectives. « Bloqué, Rosier ? » Il lui lance un regard noir en tentant de ne pas répondre à son malicieux sourire. « Aide-moi plutôt à faire ouvrir cette porte. »

C’était le temps où ils pouvaient se débrouiller pour ne pas attirer les regards. L’époque où, caché des autres, ils apprirent à se connaître, se rapprochèrent, et apprirent plus de l’autre que sa simple façon de jouer. Aglaé est très vite devenue la meilleure amie de Marius, à Poudlard, lui qui n’en avait que très peu. Elle était la seule digne d’intérêt à ses yeux. La seule à se démarquer par son intelligence. La seule à pouvoir le mettre mat. Marius l’a caché, pendant longtemps, et même à lui-même. Son œil tombe sur son tiroir à correspondance, presque rempli des lettres de Margot. À elle, il n’a pas pu lui cacher bien longtemps.

⤜ confession
Il se sent libre quand il est à Poudlard. Il brave l’interdit de sa famille et fréquente l’ennemi. Il l’aime, peut-être. Sans doute. Il ne sait pas trop. Il sait qu’il aime sa présence et ses sourires. Elle lui manque quand il est dans sa famille, pendant les vacances. Un livre ouvert sur les genoux, il est assis dans l’un des confortables fauteuils, un peu à l’écart, et regarde sa famille autour de lui sans vraiment la voir. « Eh toi ! » Margot s’assied sur le bras du fauteuil et lui lance un de ses grands sourires. « Quelqu’un te manque ? » Marius hausse les sourcils bien haut. Il n’est pas vraiment du genre à se confier, encore moins quand tout le monde est autour, mais Margot elle, elle est du genre à forcer un peu. Elle a vu une faille et s’y engouffre. Il résiste aux assauts de ses sourires et finit par céder quelques jours plus tard. Avec un goût de peur au bout de la langue à chaque fois qu’il avance dans son aveu. Mais Margot, elle s’en fiche. Elle comprend. Elle le prend dans ses bras, elle se réjouit, elle l’encourage. Elle se fiche que la rouquine de son petit frère porte un nom ennemi, et Marius, ça lui fait un bien fou.

Marius passe devant sa psyché pour refaire son nœud de cravate. Des pétales de roses sur le plancher attirent son regard et il se rend compte que les fleurs du petit arbuste en pot commencent à faner. Ça l’agace. Il se penche vers la plante en se rappelant qu’elle symbolise les devoirs de sa famille.

⤜ adulthood
Il a dix-sept ans. On lui a révélé le nom de sa fiancée, chose arrangée depuis son plus jeune âge. Il la connaît un peu, de nom. Parce que l’alliance des Black et des Rosiers doit être faite, pour calmer les tensions, il s’y pliera et ce même s’il n’apprécie guère. Pour sa famille, il va devoir vivre le restant de sa vie avec une inconnue, comme chacun d’entre eux. Une inconnue avec qui il va devoir perpétuer leurs gènes. Marius n’a que dix-sept ans mais le reste de sa vie est réglé comme sur du papier à musique. Il a quitté Poudlard depuis quelques mois et caresse le miroir à double-sens qu’ils ont réussi à obtenir, avec Aglaé, seul moyen de rester en contact avec elle, mais il n’ose pas le sortir. Il a peur de revoir son regard clair et de devoir lui dire. Il n’a pas envie que ça prenne fin, et le lui dire, à voix haute, lui fait mal rien que d’y penser. Alors il se tait. Parce qu’après tout, elle le sait aussi, non ? Qu’ils doivent se soumettre aux décisions des leurs, avant même leurs naissances. « Marius Rosier ? » Le jeune homme sort sa main de sa poche et se lève pour faire face au médecin chef de la division psychomagie. Il lui serre la main et entre dans son bureau. Même si la place de stagiaire lui est attribuée d’office, grâce au nom qu’il porte, il faut garder les apparences. Montrer ses diplômes et faire étal de ses compétences, Marius sait faire ça. Alors que la porte se ferme, le Rosier qu’il est se tient avec une droiture princière pour donner la meilleure impression. Encore mieux : impressionner.

Marius caresse son dossier et l’ouvre. Les informations sur son patient le plus lourd viennent à ses yeux, et il les connaît par cœur, car il s'en charge depuis maintenant six ans. Cet être, personne ne le sait mais il est son cobaye. Marius cherche à comprendre ce qui lui est arrivé, pas pour le soigner, mais pour savoir jusqu’où lui pourrait aller sans briser l’esprit de la personne en face de lui. Contrôler un esprit sans laisser de traces. »