Tout le monde avait été convié à participer à ce dîner, Clément Rosier le leur avait tous demandé, même à ceux qui n’habitaient plus au manoir. Et Jules savait pourquoi, depuis une dizaine de minutes. Il avait juste eu le temps de passer par ses propres appartements, pour se laver les mains et digérer la nouvelle. Pour retrouver contenance, avant de retourner dans la fosse aux loups, ses loups, ceux qu’ils devraient diriger un jour quand son alpha de père quitterait ce monde ingrat. Le brun se rendit dans la grande salle à manger, le dos droit, le menton haut et fière. Il marchait d’un pas trop rapide, cependant, pressé qu’il était de montrer à tous qu’il allait assumer sa tâche d’ainé, et passer à l’abattoir le premier. Arrivé dans la salle à manger, pratiquement tout le monde était déjà là, si ce n’est Alix, et Cyrilla. Toute la famille était présente, les branches mineures aussi, à l’autre bout de la table. Alix et Cyrilla arrivèrent quelques secondes après lui. Elles prirent place aux endroits habituels, Alix en biais de lui, une place à côté de celle qui se trouvait en face de lui, car en face de lui se situait sa mère. Autrefois, ils étaient côté à côté, ce qui était plus logique dans l’ordre de succession, mais depuis cette interdiction, ils avaient été séparer. Margot et Alix avaient échangé leurs places, et Margot se trouvait à côté de Jules. Qui, lui, se trouvait à côté de son père, qui lui, se trouvait en bout de table. Le dîner fut servi et tout le monde entama son repas. Le silence planait, tout le monde savait que le patriarche avait une annonce à faire. Le vieux roi prit son verre de vin, y trempa ses lèvres en regardant ses enfants tour à tour et puis le posa pour accorder un sourire à sa femme. Jules se demandait de plus en plus souvent si ses parents s’aimaient. Mrs Rosier ne semblait pas aimer son mari, mais lui semblait éprouver une certaine affection pour la femme qui lui avait donner cinq enfants. « J’ai une excellente nouvelle à vous faire partager. A tous. » Sa voix portait, telle que le devait une voix de roi. Jules se tendit instantanément, il lâcha doucement sa fourchette, qu’il laissa posée sur le rebord de son assiette. Son regard croisa celui de sa mère, alors qu’il hésita à enrouler ses doigts autour de son verre de rouge. Ca serait plus simple, de boire, boire et encore boire. « J’ai discuté avec les Malfoy, ils n’ont pas l’air pressé de célébrer le mariage de leur ainé… Ainé qui est d’ailleurs parti régler des affaires en France. » A sa droite, Jules senti Margot bouger sur sa chaise, pour regarder son père. « Qu’à cela ne tienne, à mon âge, j’aurais aimé déjà avoir des petits enfants. Et ma sœur approuve. » Sa sœur, la mère d’Eleanor. Parce qu’ils étaient tous cousins, au final. Et il n’avait pas le droit d’aimer sa sœur ! Quelle hypocrisie, quelle injustice ! Qu’est-ce que ça pouvait bien changer ? « Nous avons convenu d’une date de mariage pour Eleanor et Jules, et vous n’avez bien sûr aucune excuse pour ne pas assister au mariage de votre frère. » Il regarde chacun des enfants, s’attarde un peu sur Alix. « Et de votre cousine. » Il balaie le reste de la table de son regard perçant. Jules lève le regard sur les autres, des sourires de circonstances commencent à apparaître sur toutes les lèvres. Et sur les siennes aussi, parce qu’il le faut. « Félicitations. » Souffle sa mère en levant son verre. « Félicitations, mon fils. » Clément lève son verre également et il est de coutume de faire de même, chaque membre de la famille réagit. Jamais le vin n’a eut de goût aussi amère sur la langue du français.

Alors qu’il remonte à ses appartements, Jules se repasse la soirée en tête. Il a beaucoup observé Alix, qui n’avait pas une seule fois lever le regard vers lui. Curieux de savoir si elle se réjouirait de la sentence qui tombait sur les épaules du frère ainé, il avait été étonné de constater qu’elle attaquait sa nourriture avec rage, après l’annonce faite par leur père. Pourquoi réagissait-elle comme ça ? Il l’imaginait plutôt sourire, elle qui le haïssait. Ravie de le voir enchainée à une autre, mais non. Elle semblait en colère, comme si c’était son propre mariage que l’on avait annoncé. L’héritier ouvre la porte de sa chambre, et retire la veste de son costume, qu’il pose sur une chaise sans ménagement. Un domestique viendra la ranger, il le sait très bien. Il glisse ses doigts à sa chemise, pour en défaire les boutons mais alors qu’il n’en a défait qu’un, il s’arrête. Pourquoi Alix réagissait-elle comme ça ? Jules fait volte-face, il ne récupère pas la veste de costume, qu’il a laissé là, et claque la porte derrière lui quand il sorte de sa chambre. Elle le détestait, mais était-ce vrai ? Ou était-ce une façade qu’elle avait érigé autour d’elle, pour éviter de reproduire ce qui leur avait été interdit ? Alors qu’il marchait en de grandes enjambées vers les appartements de sa jumelle, Jules revoyait son regard perdu quand le choipeau avait crié la sentence : serpentard. Opposés au château, ils s’étaient considérablement éloignés. Il revoyait son air de défi, quand Marius avait été blessé. Il ressentait l’électricité entre leurs deux corps, quand il l’avait prise contre elle. Pour la dernière fois, dix ans auparavant. Il lève le poing, hésite, puis frappe contre le battant en bois de la porte de la chambre de sa belle. Qui sait comment elle prenait véritablement la nouvelle, derrière le bois massif qui les séparaient ? Il n’en avait aucune idée, mais ne pouvait lâcher ce mince espoir que, peut être, elle ne s’en réjouissait pas comme il l’avait cru. Peut être ne le détestait-elle pas tant que ça, et si c’était le cas, Jules devait le savoir. Il avait un besoin irrépressible d’elle, Alix était sa moitié, et il était déchiré depuis trop longtemps. « Alix ? Ouvre. » Sa voix n’était pas douce, elle ne l’était que rarement, désormais, quand ils se parlaient. Mais elle n’était pas dure non plus, elle avait cette fermeté due à la haine réciproque qu’ils avaient appris à se porter, mais empreinte de ce désir et de cet amour qui ne le quitterait jamais.