victory, power, family.

Il réfléchit depuis quelques heures, le penseur. Il observe le soleil prendre place, la lune s'effacer à l'autre bout de l'horizon, il réfléchit à son avenir, aux chemins qu'il pourrait emprunter histoire de remonter la pente. Un seul moyen s'offre à lui ; une alliance avec celui nommé à la fois père et monstre. Dos contre un arbre, ses yeux ne quittent pas l'immense manoir dont il connaît tous les pièges et sombres cachettes. Son chez lui qui n'est plus vraiment sien ou qui ne l'a jamais été, cette grande bâtisse dans laquelle son identité loge encore. Le vent danse avec les feuilles, fait bouger ses mèches salies par le temps, par le sang, par la crasse qui loge sous ses ongles. Encore une nuit passée dehors à se faire cogner pour intéresser celui qu'il envie tellement. Phineas, malgré les tensions sanguinaires qui éclatent entre eux, reste son exemple, son père, celui qu'il déteste autant qu'il aime. Orion sait que derrière tout homme fort un cœur en mousse bat bien sagement, d’où cette haine éternelle - car l'un connaît la faiblesse de l'autre et inversement. Le gamin s'approche de l'entrée d'une démarche sûre et fière ; chose particulièrement rare quand son corps bientôt l'égal d'un cadavre traîne dans la propriété des siens ; sa main droite pousse la belle vitrée avec une légère force obligeant cette dernière à claquer contre le mur. Bonjour, bonsoir, je suis rentré. Le hall est vide, le calme revient, la chaleur n'existe pas. Ici, seule la neutralité domine, les sentiments affectifs ne sont que des artefacts inaccessibles, des morceaux pouvant façonner une vie meilleure qui sont maintenant oubliés. Le garçon s'avance, observe les pièces entrouvertes, se rassure en ne voyant que personne n'est là. Ses pas l’emmènent à l'étage pour faire face au bureau du maître des lieux, bureau qu'il déteste, qui lui faisait frissonner le corps. Plus rien. Le respect n'est plus, l'éducation est morte derrière un visage décomposé, gamin qui n'est plus que l'ombre de lui-même. Pas vraiment. Ses phalanges claquent contre le bois, il toque, se laisse dominer une nouvelle fois, donne le bâton pour se faire battre. Car il est trop poli, Orion, trop bien élevé quand ils sont seuls, il est trop parfait pour plaire à l'imparfait. Il entre suite à l'autorisation de son père, presque inaudible comme pour éviter ce moment familial. La pièce est charmante, possède sa propre beauté, beauté qui plaît au gosse qui s'imagine déjà à la place du Roi Noir. Sourire léger qui naît sur ses lippes, sourire provocateur, sourire d'insolant. Orion qui baigne dans le mal. « J'ai à vous parler. » Je suis majeur, tu peux oublier la politesse dans mes paroles - qu'il pense mais ne change rien, encore. Il s'avance de quelques pas, se poste devant le bureau de son aîné, garde cette gueule d'ange fracassé. Lucifer. « Je n'ai pas été le fils tant rêvé de cette famille, n'est-ce-pas ? » Il pique dans ses paroles, crache son venin, sa jalousie, sa haine. Il l'enveloppe dans son sourire narquois, dans le sang qui est coagulé sur sa face. « À préférer son bâtard, on néglige son fils. » Couteau qu'il enfonce, qu'il s'enfonce, il se blesse avec ses propres mots. « Mais vous ne savez rien de moi, je ne peux pas vous en vouloir. » Pardon qu'il sous-entend, il n'accepte rien, mime pour mieux dominer, pour mieux la faire régner. Elle, la grande, l'unique. « J'ai quelque chose à te proposer. » Te. Toi. Tu. Il commence à prendre ses marques, à attraper son courage face au démon qui stagne sous son lit après vingt-et-un ans.