Russian roulette ( ft. elios)

Il ouvre les yeux sur le monde comme au premier jour de sa vie. Depuis plusieurs années, il connait un sentiment abominable de renaissance. Il précède chacune de ses visions et le laisse dans un état végétatif durant deux à trois minutes. Un moment suspendu dans le temps où il ignore qui il est, et l’identité de ceux qui l’entourent. Il reprend calmement ses esprits et s’examine face à un miroir. Il remarque les cernes sur son visage, et ce teint blafard qui lui est propre et qui contraste avec ses boucles ébène. Ses souvenirs lui reviennent et éclaboussent son esprit. D’abord son nom, puis les membres de sa famille. À l’instant où il se remémore son emploi et le visage de sa muse, il lui semble n’être plus que l’ombre de lui-même. Helios pousse un soupir lourd de signification et se dirige vers son laboratoire. Une pièce modeste de son appartement que beaucoup assimilent à une galerie des horreurs. Il s’aventure entre plusieurs étagères remplies de livres et d’étranges bocaux et extirpe une boîte métallique de son alcôve. À l’intérieur se trouve une mine d’or pour celui qui n’a plus toute sa tête. Des psychotropes conseillés par un russe rencontré par hasard. Il les caresses de son pouce avant de se décider à en ingurgiter quelques uns. Il englouti un premier cachet, puis un deuxième. Il sent son rythme cardiaque accélérer dans sa poitrine, et jurerait flotter dans l’air un moment. Son âme est subitement apaisée par le remède de Lyosha. Un bonheur de courte durée, qu’il savoure dans un silence des plus parfaits. Il prend place dans son salon et jette un regard furtif à l’horloge. On l’attend dans une demi-heure à Godric’s Hollow. Des affaires qui ne regardent que lui et son étrange ami slave. Retrouvant sa respiration normale, il se redresse en entendant frapper à sa porte. La visite impromptue de son oncle suffit à le ramener à lui en une poignée de secondes. Helios s’éponge le front et accueille Elias sans trop savoir quoi dire. Il considère le sorcier comme un frère, et ne peut rien lui cacher.  « Elias, je suis heureux de te voir. » La surprise se lit sur son visage. Il partage avec lui une étreinte chaleureuse avant de sourire à la vue de la bouteille d’alcool qui pend entre les doigts de l’agent de la sécurité magique internationale. Du whisky pur feu. En d’autres circonstances il aurait ravi de partager la soirée avec lui. Il a aussi conscience du fait qu’Elias cherche probablement à éviter la compagnie de sa femme. Il le comprend, lui-même s’efforce de longer les murs à la moindre vision de Fiona Flint au ministère. Puis, il connait également son terrible secret.

D’un coup de baguette, il apporte deux verres et invite son oncle à s’asseoir près de lui. Il sent les cachets faire encore effet et manque de hoqueter face à lui. Il se sent si honteux et maladroit. « Tu ne me déranges jamais, voyons. Mais je dois te parler. » Son ton d’habitude si léger est légèrement grave. Il sait qu’il ne pourra pas mentir au sorcier, et le poids de la cupabilité est bien trop lourd à porter pour qu’il ne dissimule l’objet de son angoisse.  « Je suis invité à dîner chez un russe que j’ai rencontré il y a quelques temps. Accepterais-tu de te joindre à nous ? » Il tente de gagner du temps avant de lui avouer son incertitude quant à la légalité des activités de son hôte.

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Rares sont les relations telles que celle qui existe entre Elias et Helios. L’oncle et le neveu partagent une connivence naturelle depuis sa plus tendre enfance, couplée d’une confiance fixe. Le médicomage laisserait sa vie entre les mains de son aîné, tout comme il accepterait de gravir d’innombrables montagnes pour assurer son salut. Helios sait qu’il était un des rares à qui il peut se confier entièrement chez les Yaxley. A l’écoute et non-porteur de jugement, l’homme est un mentor inestimable. Amphitryon en personne se soucie peu des maux qui affligent son fils aîné, tant que ces derniers n’influent pas ses attributs reproducteurs. Helios ne représente qu’un engrenage de plus dans la machine familiale. Une partie précieuse, mais de toute évidence pas assez pour qu’on prenne en compte ses sentiments les plus profonds. Ses fiançailles avec une enfant moins âgée encore qu’Ulysses le démontrent parfaitement. Il aurait pu épouser une Malfoy, mais les possibles portées de sa muse ne seraient pas viables, du moins pas assez au goût de son père. Entre la démence de la princesse et son troisième oeil, il est peu problable que leur rejeton puisse porter le fief des Yaxley, une annonce tragique qui lui brisa le coeur à maintes reprises. C’est à Connor, son cousin, qu’on a assigné la tâche d’engrosser Phaedre. Une décision insupportable pour Helios, relégué au rôle de simple médicomage et d’amant. Persuadé que sa peine ne prendra fin qu’à sa mort, les non-dits sont nombreux. Une mort qu’il croit proche, implacable, secret des plus pesants pour ses épaules. Tandis qu’il les sent faillir, il se contente de lancer un sourire distant à Elias. Ses tourments ne sont pas nouveaux. Toutes ces histoires de mariages arrangés sont bien trop futiles pour que quiconque du gratin sang pur ne s’apitoie sur son sort.

Il porte délicatement le verre de whisky à ses lèvres et observe son vis-à-vis. Les traits fatigués d’Elias semblent faire écho aux siens. Il ignore s’il doit continuer son récit, mais il est trop tard pour faire machine arrière. Il préfère la sincérité aux mensonges qui ne mènent nulle part. Lui-même n’a rien à cacher, ou il l’espère. « Il s’appelle Lyo… Lyosha Tolstoy. Je l’ai rencontré il y a quelques semaines tout à fait par hasard. » Il baisse les yeux.  « Il sait ce dont je suis capable, toutes ces visions… C’est un legilimens. Il dit qu’il peut m’aider. » Helios ouvre une paume et laisse paraître un cachet bleu. Ses pupilles sont encore dilatées.  « Il m’a donné ces cachets. J’étudie actuellement leur composition, mais je dois dire qu’ils font leur effet. » Dans l’attente de sa réponse, il pince ses lèvres nérveusement. Il est hors de question qu’il manque son rendez-vous, pas après avoir reçu des promesses pareilles.

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Le Cassandre pousse un soupir lourd de signification. Un énième. Les minutes s’égreinent, et les cachets ingurgités quelques minutes auparavant font enfin effet. Dans le silence, Helios observe son oncle s’adresser à lui. Il perçoit l’inquiétude dans son regard ambre, mais s’en sent étrangement détaché. L’esprit est en effervescence, comme suspendu dans le temps. Il sent la voie céleste du temps l’appeler, mais son âme reste immobile. Le médicomage croit délirer. Cette fois le présent est plus fort, plus insistant. Un bonheur éphémère le touche du doigt. Il affiche un sourire lointain et satisfait, ne pouvant s’empêcher d’ignorer les émotions qui prennent Elias de plein fouet. Son troisième oeil l’incombe depuis son plus jeune âge. Le sorcier le met en garde, il cherche à éloigner la main tendue de Tolstoy de son descendant. Autant demander à un mendiant de refuser une coupe d’eau. La douce sensation qui lui parcourt l’échine provoque en lui un rire incontrôlable. Helios porte une main à sa bouche, et tente de contenir ses émotions. Loin de lui l’idée de montrer une forme d’irrespect envers son oncle. Il l’écoute mais il est déjà trop tard pour expulser le psychotrope de son système, ils ne peuvent revenir en arrière. « Je suis désolé Elias, vraiment. » Les mots sont sincères, mais voilà qu’il rit à nouveau. Un rire désuet et innocent, qui ressemble infiniment à celui d’un enfant. Tâchant de pallier au nuage de protoxyde d'azote qui emplit ses poumons, il répond à nouveau :  « Je connais leur composition… A - à peu près. Tout va bien, ne t’en fais pas. » Il se laisse agripper par le bras et plante ses iris dans les yeux bronze de son aîné. Sa vision semble soudainement accrue, il se perd dans la contemplation de son vis-à-vis.  « Dangereux, tu dis… Qu’a-t-il fait ? » Il glousse à nouveau tandis que quelques larmes viennent perler ses cils noirs. Helios est confus. Il croit Elias sur parole, mais ne peut se résoudre à éviter la compagnie de Lyosha.  « Il est le seul qui puisse m’aider, tu sais. Il faut que j’aille le voir ce soir. Viens avec moi. S’il te plaît. Je t'en supplie. » Il s’agenouille face à lui, lui tenant la main dans un geste de tendresse qu’il ne se permettrait avec aucun autre. Elias est pour lui un père, et le désespoir émiscé en son coeur parle pour lui. Le monstre désorienté qui sommeille en lui le tiraille et lui secoue l'esprit, imprévisible. Son hilarité reprend de plus belle tandis qu'il se relève et prend son manteau. Baguette entre les mains, il se dirige vers la cheminée, prêt à partir.

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Helios sent son esprit flotter dans les airs, étrange sensation qui contraste avec la réalité. Il observe de ses pupilles dilatées les traits durs de son oncle, et dénote son ton particulièrement agacé. Le médicomage a conscience des conséquences de ses actes. Les psychotropes frappent et provoquent en lui un rire nerveux, incontrôlable. L’aîné de sa branche refuse de perdre la confiance d’Elias, mais il se sent déjà trop honteux pour revenir en arrière. Il se sent poussé vers le moment présent à mesure qu’il se détache de la situation désastreuse qui lui explose au visage. La gorge nouée, il n’ose rien dire. Dans son manichéisme flagrant, la situation n’a aucun sens. Il se sent écartelé entre sa culpabilité grandissante et la béatitude qui le domine. Il ne sait comment réagir aux révélations du sorcier. Une partie de lui-même comprend sa mise en garde, tandis que l’autre n’aspire qu’à croire aux promesses de Tolstoy, et à le rejoindre. Il se lève et les paroles vagues de l’anglais le laissent dubitatif. Helios n’est plus un enfant auprès duquel on peut garder le silence sans attendre des questions. Il se redresse et lui lance un regard suppliant : « Si tu m’interdis de le voir, dis-moi au moins pourquoi. » Le neveu est insistant, il ne démord pas de l’interrogatoire qu’il lui fait passer. Il veut savoir, encore et toujours. C’est là la tragédie de sa vie de chercheur. Un trait hérité d’Atlas et Amphitryon.

Brusquement, il s’agenouille près de son aîné. Cela fait plusieurs minutes qu’il n’est plus tout à fait lui-même. Il finit par attraper un manteau et se retourne pour lui faire face à nouveau. Qu’a-t-il fait, se dit-il tandis qu’il entend les paroles d’Elias se déverser de sa bouche. Il constate non sans honte le piteux état dans lequel il est. Dominé par une substances dont personne ne devait être au courant, surtout pas le seul Yaxley qui lui ait jamais fait confiance. « Je ne suis pas un addict, Elias. » Il se dirige vers son laboratoire un instant, attrape une fiole et en avale le contenu. De quoi calmer ses émotions les plus fortes d’une traite. Son fou rire se calme enfin lorsqu’il revient au salon. « Je veux simplement lui parler. » Il parle sur un ton sincère et se mord la lèvre inférieure plusieurs fois. L’envie de lui dire ce qu’il ressent lui brûle la langue. Secret inavoué dont il doit se décharger. « Tu ne comprends pas, je… J’en ai besoin. Ces derniers temps mes visions contrôlent ma vie. Je reviens et je ne sais même plus comment je m’appelle pendant plusieurs heures. J’ai besoin de trouver une solution avant de sombrer dans la folie. » Il vide le contenu de la boite de Tosltoy sur la table, attend son oncle et prend le chemin de la cheminée. Quelques minutes suffisent pour qu’ils se retrouvent au manoir de Lyosha, au beau milieu d’une fête endiablée.

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Helios jette un regard furtif à son oncle. Il est accablé par la culpabilité qui lui enserre la gorge, mais il ne peut se vouer à nier le désir de normalité qui grandit en lui. Il ne peut le toucher que du bout des doigts, et sent la corde tendue entre son rêve et la réalité sur le point de se couper. Le médicomage n’est pas dupe. Il a conscience de l’enjeu que représente son troisième oeil pour le russe. Il a pour habitude qu’on s’intéresse à lui dès lors qu’il révèle ses prédispositions aux autres. On rode autour du voyant tels des vautours affamés. L’orgueil de ceux qui l'entourent les pousse à vouloir connaître ce que l’avenir leur réserve. On se moque bien des difficulté que le sorcier rencontre avec ses visions, tout comme on rit des conséquences désastreuses que certaines peuvent entrainer. Aussi il doit vendre ses prophéties contre la solitude et le repos. Il lui est même arrivé d’en inventer une ou deux pour chasser les plus impatients. Peu comprennent qu’Helios n’est pas un vulgaire diseur de bonaventure. Son esprit n’est pas une boule de cristal dont on peut sortir monts et merveille sur demande, et le destin n’est pas ce que certains appellent malléable.  Le trentenaire est simple spectateur de ce dernier, et jamais encore il n’est parvenu à changer son propre dessein ou celui d’un autre. Elias est un des rares à ne jamais lui avoir demandé de compte, un fait qu’il n’oublie pas au fil des années. Sa gêne est trahie par ses joues empourprées tandis qu’il s’efforce d’écouter son discours calmement. Il lui a déjà montré assez d’irrespect pour la soirée.

Tolstoy est donc une des figures éminentes de la mafia magique. Helios l’avait pratiquement deviné à son allure de nouveau riche et aux oeillades étranges que le sorcier a partagé avec d’autres individus autour de lui. La facilité avec laquelle il lui a procuré les pilules l’a également mis sur la piste, tout comme la rapidité avec laquelle Lyosha l’a appelé son ami. L’ancien serdaigle sait à quel point construire une amitié solide prend du temps. La relation qu’il entretient avec Eliott, par exemple, ne s’est pas développée en un jour. Apprivoiser l’autre prend du temps. Un moment qu’il n’a pas encore connu auprès du russe. Tout va trop vite et le perd… Mais qu’importe, il sait qu’il n’a pas de temps à perdre. « La médecine traditionnelle ne peut rien faire pour moi, Elias. » Il s’éloigne et revient vers son oncle. L’agent du ministère pensait certainement passer sa soirée autrement. Il approche de son verre à nouveau et le termine, clignant des yeux tandis que le liquide roule au fond de sa gorge. Il lui insuffle une sensation de chaleur dont il a besoin. Elle le laisse ancré dans la réalité de l’instant. « Juste une heure ou deux. Je veux voir ce qu’il a à dire. Je te le revaudrai. »

Ils empreinte le réseau de cheminées et arrivent enfin à destination. Le manoir d’Aleksei Tolstoy semble briller de mille feux, rayonnant d’une lumière aveuglante. La musique se déverse de toute part et les verres s’entre-choquent. Helios balaye l’endroit du regard et observe la plèbe s’enivrer avec envie. Le visage tendu d’Elias ne partage pas l’enthousiasme et l'insouciance général. On vient leur apporter des boissons quand bien même le jeune homme tâche de se glisser entre les sorciers. Il n’y parvient pas. Il reste immobile lorsque deux superbes femmes s’approchent de son aîné et lui. L’une d’elle essuie un résidu de poudre blanche qui perle sur sur le bout de son nez avant d’afficher un sourire glorieux. « On se connait ? Tu m’as l’air contrarié. » dit l’une d’entre elles en posant sa tête contre le torse d’Elias. L’autre bat des cils près d’Helios, qui se contente de passer un bras autour de la deuxième et d’approcher son visage du sien. Il souhaite qu’elle l’entende. « Je suis Helios Yaxley. Je cherche Aleksei Tolstoy » Elle avance sa tête et dépose un baiser sur ses lèvres avant de mordre la lèvre inférieure du sorcier. Elle se colle finalement contre lui. « Tu es le docteur ? Lyosha t’attend, mais laisse-moi d’abord vous présenter les lieux. » Elle effleure la joue droite d’Elias. « Qui est ton ami ? On va prendre soin de vous deux. »

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Helios ne dit plus un mot face à son oncle. Il se sent honteux de mettre un sorcier qui s’est toujours montré si bon envers lui dans un tel embarras. Amphitryon lui a souvent dit qu’il voyait son frère en lui, un homme des plus braves et généreux qu’il connaisse. Malgré leurs âges similaires, Elias demeure une figure paternelle forte pour le médicomage. Il lui voue une confiance aveugle, et se laisse parfois trop influencer par cette dernière, oubliant de garder un semblant de dignité auprès de lui. L’agneau revient à présent dans l’enclos du Yaxley quelque peu embarrassé. Ce n’est pas un amateur de drames, tout comme il n’est pas abonné aux psychotropes auxquels il s'acclimate depuis peu. L’aîné de sa branche a toujours été un enfant sage, même à Poudlard où sa jeune soeur Rhea concoctait des potions par milliers. La médicomagie est pour lui un moyen d’aider les autres plutôt que de s’aider soi-même. La question de la maîtrise de son troisième oeil n’est arrivé que bien plus tard au cours de sa vie, tout comme ses migraines et sa désorientation générale. La réalité à laquelle Helios fait face est bien différente de l’image maîtrisée qu’il s’efforce de dégager. Il sait parfaitement que personne ne ferait confiance à un chercheur dont la mémoire se résume à quelques lignes dans un calepin. Perdre le respect de la communauté scientifique serait pour lui une tragédie bien plus grande que la perte d’esprit que lui et ses proches connaissent.

Il prend brièvement le temps de se recoiffer devant un miroir, et s’aventure avec Elias jusqu’à la demeure clinquante du russe. Helios pense un instant à Phaedre qui ne cesse de passer ses doigts dans sa crignère dans l’espoir de la dompter. Il secoue la tête devant les deux femmes qui s’approchent d’eux, et jette un regard à son pauvre oncle. Si les deux hommes n’en parlent jamais, il connait son triste secret. Les escortes que leur envoie Tolstoy le laissent aussi indifférent qu’un diabétique face à un stand de dragées surprises. Son homosexualité sous-jacente n’est malheureusement pas la bienvenue dans la société dont ils font partie. Cette seule pensée désolée son neveu. Il sait parfaitement que contrairement à lui, nul ne lui tiendra rigueur s’il fréquente une maîtresse. Il a parfaitement conscience de ce que Phaedre représente aux yeux des membres des neuf sacrées : un élément respectable de la société, du moins assez pour servir de seconde concubine à un sorcier au sang pur sans attirer l’attention. Entretenir une relation avec un homme ou une née-moldue serait vue d’un oeil bien différent par son entourage. Il laisse cette pensée de côté et se contente d’accompagner le sourire faux de son aîné. Le besoin de retrouver le legilimens vaut bien quelques baisers délivrés à une femme qu’il ne reverra jamais en d’autres conditions, pourtant l’intime sensation de tromper celle qui ne sera jamais sa femme lui prend la gorge. « Fais-nous tout voir. » dit-il d’un air amusé, s’efforçant de dissimuler sa culpabilité à fleur de peau. Ils se déplacent dans le manoir, passant près de quelques visages mis à mal par plus d’une drogue. Mais voilà que l’apat de son oncle cesse ses carresses. « Elias, tu dis ? Lyosha n’a pas mentionné ton nom dans la liste des invités. Il te connait ? » Helios s’interpose sans attendre une réaction de la part d’Elias.  « C’est mon oncle, tu diras à Aleksei que je me suis permis de l’inviter. » Elle s’éloigne tandis que le cadet passe à nouveau un bras autour des hanches de l’autre sorcière. Il ne la laissera pas partir tant qu’il n’aura pas vu Tolstoy de chair et d’os. Elias et Helios arrivent près d’une table de jeu. « Tu es un habitué du poker magique ? » Il examine la table et répond du tac au tac : « Je ne dis jamais non au jeu. » Il s’apprête à prendre place, mais la réaction démesurée de son oncle face à un joueur le fait sursauter. Brusquement toute la table vient tourner leurs baguettes sur les Yaxley. Helios lève les mains et laisse tomber la sienne à terre. « Veuillez excuser mon oncle, il n’est pas tout à fait lui-même ces temps-ci. » Il aggrippe sa baguette et la laisse tomber au sol à son tour.  « Qui sont ces rigolos ? » demande-t-on en direction de la prostituée qui se tient toujours derrière lui. « C’est le voyant dont Lyosha a parlé. » La tension est au plus haut au moment où une voix rauque vient couper court au conflit. « Docteur Yaxley, vous voilà enfin. » Helios lève les yeux vers le russe qui lui tend les bras. Les yeux de Tolstoy s’écarquillent lorsqu’il remarque la présence d’Elias. Il comprend rapidement leur affiliation. « Eh bien, je vois que vous avez amené un vieil ami. Notre partie peut commencer. » Il claque des doigts et un elfe de maison leur apporte des flûtes de champagne. D’un signe de tête, Aleksei ordonne à la plèbe de s’asseoir. On commence à distribuer les cartes.  « Que jouez-vous ? »

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Helios jette un regard pétrifié à son oncle tandis qu’un sorcier de trois fois sa taille se présente face à eux. Il s’empresse de se défaire de leurs baguettes, qu’on entend tomber au sol tel de vulgaires bout de bois. La tension est telle que le britannique se demande un instant s’il ne vaut mieux pas qu’ils transplannent et oublient son projet. Il est pris d’une peur sans fond lorsque la voix grave et solennelle du russe intervient et résonne dans la pièce. La lumière est tamisée, et ne permet au médicomage de voir qu’une partie du visage d’Aleksei. Un frisson lui parcoure l’échine au moment où on l’invite à s’asseoir. Il s’exécute après avoir récupéré leurs baguettes, qu’il tient fermement entre ses mains tremblantes. Il glisse un des deux objets entre les doigts moîtes d’Elias sans quitter leur hôte des yeux. Sa concentration est pourtant perturbée que par l’escorte vient s’introduire entre ses bras, et dépose son postérieur sur ses cuisses. Elle joue avec ses cheveux et lui souffle à l’oreille :  « Joue-moi. » Helios l’attrape par la hanche et émet un rire léger. On bat les cartes et il se contente de répondre à Tolstoy par une autre question :  « Avec tout le respect que je vous dois, Aleksei, participer à une partie de poker magique avec un legilimens ne semble perdu d’avance. » Le voyant observe le mafieux se lécher la lèvre inférieure et étirer à son tour la commissure de ses lèvres. Ses yeux semblent briller dans la pénombre et lui inspirent une certaine fascination. La fascination du pire qui pourrait arriver cette nuit.  « Voyons, docteur. Je ne joue pas, j’observe. »

L’elfe revient avec un plateau de bronze sur lequel est disposé une bouteille de vodka de deux litres et plusieurs verres en cristal. Tolstoy claque des doigts et ce dernier verse l’alcool comme de l’eau de source face à chacun des sorciers présents à table. Il s’apprête à lever son verre et annonce :  « Nous porterons un toast dès que nous serons au complet. » Il arbore un sourire carnassier, et ses iris d’argent fixent Elias sans retenue. La porte s’ouvre et un adonis à la peau noire comme l’ébène pénètre la pièce. Il porte une marinière qui laisse transparaitre son corps sculpté au détail près sur un modèle grec vu dans un rêve. Le sorcier approche lentement de son oncle et lui caresse le visage avec une douceur toute masculine. Tout à coup, il mêle sa langue à la sienne dans un baiser qui incite Helios à pousser un cri.  « C’est assez ! » Les regards se posent sur lui tandis qu’il avale d’une traite le verre de vodka. Tous les regards son posés sur lui, y compris celui de Tolstoy qui éclate de rire.  « Nous sommes entre amis, docteur. Tout le monde a le droit de s’amuser. » Conscient de l’importance de l’honneur de son oncle, le chercheur est inquiet face aux agissements du russe. Il regrette de l’avoir entraîné dans une telle aventure, mais ils ne sont pas au bout de leurs surprises. Lyosha approche et lui touche délicatement la tempe, provoquant en lui une vision fugace. Ses yeux prennent la couleur du nacre et son corps tout entier est pris d’un spasme qui fait trembler la table et renverse plusieurs verres qui viennent se briser contre le marbre du sol. Après plusieurs secondes, Helios revient à lui. Il est à bout de souffle, tout comme le russe. « Quelle est la carte qui se trouve dans la main de Misha ? » demande-t-il. Helios hésite un instant avant de dire à bout de poumons : « Un... as de pic. » Il éponge quelques gouttes de sueur qui perlent son front mais ses secousses reprennent. La marionette d’Aleksei se réveille à nouveau, cette fois en larmes. Lui qui souhaitait que le legilimens l’aide à maîtriser son don est devenu son pantin. « J-je... » Il ne parvient pas à prononcer le moindre mot cohérent. « Docteur, dites-moi qui autour de cette table est sur le point de trouver la mort. » « J-je...V-vous en… prie. » « Dites-le. » Il pointe le doigt vers un banquier suisse. « Un de v-vos... » « Qu’a-t-il fait, Helios ? » Il le regarde avec un sourire sadique pendu aux lèvres. Helios s'efforce de garder le silence mais Tolstoy s'est introduit dans son esprit et le tient d'une main de fer. « Il a v-vendu votre compte aux l... langues de plomb. »

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Helios écarquille les yeux, il peine à croire la situation dans laquelle son oncle et lui-même se sont enterrés. L’issue lui semble bien sombre, tandis qu’il assiste impuissant à l’intrusion d’un Apollon dans l’espace vital d’Elias. Tout cela n’était qu’une mauvaise idée, se répète-t-il encore et encore. Il ferme les yeux dans l’espoir de les ouvrir sur son appartement et sur son oncle endormi sous le coup de l’alcool. Le décor demeure pourtant inchangé : Tolstoy se trouve toujours assis face à eux et les nargue du regard. La violence avec laquelle il les toise tous les deux donne des sueurs froides au chercheur, qui, mal à l’aise, repose les yeux sur Elias et son étrange voisin de table. Au vu de son accoutrement, il comprend que ce dernier est son escorte. Aleksei a probablement sondé son esprit et compris qu’il valait mieux l’apater avec un homme. A cette pensée, son neveu est pris d’un frisson. Ce n’est pas qu’il ne comprend pas le désir que peut éprouver Elias, ou qu’il le répugne de quelque façon que ce soit. Il sait simplement à quel point l’homosexualité est mal vue en société, et que le sorcier a son honneur et celui de son fils et de sa femme a servir. Lui-même est conscient de l’enjeu que représente une telle révélation. Les neuf sacrées ne sont pas plus tolérantes qu’elles l’étaient il y a de cela cent ans, si on venait à apprendre la vérité au ministère, sa réputation s’en verrait à jamais souillée. Un évènement que le jeune médicomage refuse. Il a gardé son secret durant bien des années et ne compte pas voir son oncle aggressé par un simple sbire de leur hôte. « Vous ne pouvez pas vous permettre de le toucher. » « Et pourquoi donc ? Chacun a droit à son heure de gloire. »

Helios s’apprête à réagir mais Elias repousse l’homme à temps. Kael, d’après ce qui se dit. S’il l’ignore encore, dans son malheur il est sur le point de trouver ce pourquoi Elias et lui sont venus. Il s’introduit dans son esprit plusieurs fois, lui intimant une sensation que connaissent les victimes d’un viol pendant et après l’acte. Des larmes viennent se mêler à la sueur qui goutte de ses tempes. Le choc de ses réveils multiples et le poids de l’esprit de Tolstoy sur le sien le laissent muet durant plusieurs secondes. Son rythme cardiaque ralentit dangereusement, l’épuisement est tel qu’il se croit mourir un instant. Il voit le banquier se faire violenter par le russe et implorer son pardon quand brusquement tout s’arrête, laissant flotter dans l’air le rire gras de Lyosha Tolstoy accompagné de celui des autres invités. L’hôte se lève et fait quelques pas vers Helios avant de lui frapper la joue doucement, comme un père le ferait avec son enfant. « Allons, docteur Yaxley. Il faut vous remettre de vos émotions. Votre venue sonne le début d’une belle collaboration. » Il se retourne vers le banquier et brandit sa baguette dans sa direction en murmurant à son oreille : « Oubliette. » Il s’apprête à ajouter quelque chose mais Helios attrape Elias par le bras et ils transplannent jusqu’à son appartement. Une fois arrivés, du sang s’écoule de son nez. Il s’efforce d’arrêter le saignement tout en prenant son oncle dans ses bras. « Elias… Je suis désolé. »

Russian roulette ( ft. elios)

Son oncle le repousse dans un geste brusque. Une situation qu’il n’a encore jamais connu et qui souligne la gravité de ce qui vient de se produire. Il a conscience de l’humiliation sans pareille qu’Elias vient de subir par sa faute. Il reste lui-même interdit tandis qu'il le sermonne comme un enfant. La violence de ses mots le prend en plein fouet et le remet à sa place. Helios a fait une erreur, peut-être la plus grande de sa vie. Jamais encore il n’a reçu de pareil accueil de celui qu’il considère comme son propre père. Lui qui partage son sang a osé lui infliger une honte des plus spectaculaires. Son honneur et sa fierté ont été touchés comme peu avant lui. Son neveu repense à l’énergumaine qui a osé s’approcher de lui. Il repense aux lèvres qui se sont posées sur celles d'Elias tandis que lui se faisait agresser par le russe. Et aux images qui vinrent à lui peu avant l’exécution du banquier, dont il n’a vu la mort que dans son esprit. Le cadet des deux Yaxley s’effondre au sol, les yeux perdus dans le néant. Il s’efforce de ne pas croiser le regard du sorcier qui s’empresse de vider une demie-bouteille de whisky en quelques gorgées. Il se sent terriblement fautif de son état, et pour couronner le tout il ignore quoi dire. S’il peut prédire l’avenir, il est en revanche incapable de changer le passé. Dans sa colère, Elias a raison. Lui que l’on perçoit toujours comme un médicomage censé vient de sombrer dans un ridicule complet, appâté par une promesse qui, de toute évidence, ne sera jamais tenue. Il ne peut faire abstraction de ce qui s’est passé. Cette nuit restera à jamais gravée en sa mémoire. La déception qui se lit sur les traits de son oncle est le coup de fouet le plus difficile à accepter. Le rire gras de Tolstoy raisonne encore dans sa tête. Il ne s’est pas contenté de se mettre en danger, il a entrainé Elias avec lui dans sa chute. La douleur au fond de sa poitrine est indescriptible, et bien plus profonde que n’importe quel endoloris qu’Amphitryon a pu lui infliger au cours de sa courte vie. Le voilà condamné à la paranoïa. La mort qu’il attend des mains de Phaedre lui semble bien plus douce que la peur de voir un jour Aleksei frapper à sa porte.

Les reproches d’Elias lui martèlent à nouveau le crâne. S’il comprend sa furie, une nausée abominable lui noue l'estomac. Il aimerait pouvoir disparaitre. Inciter la dague de sa maîtresse à lui transpercer le torse, à s’insérer au beau milieu de son coeur qui bat la chamade encore et encore à en exploser au fond de sa poitrine. Le délire passe bientôt d’un Yaxley à l’autre. Les yeux rouges d’avoir trop pleuré, Helios pousse un hurlement. Un cri du coeur qui ne traduit qu’une infime partie des maux qui lui écorchent l’âme. Il se sent désorienté, touché par un désespoir qu’il ne peut plus contrôler. Soudain, sa migraine semble à nouveau atteindre des sommets, la même que celle qui l’a pris lorsqu’il se tenait face au russe. Il attrape la bouteille d’alcool et boit à son tour. Il hurle à nouveau puis il s’arrête tandis que cette dernière vient exploser au sol. Avant même qu’il ne s’en aperçoive, Helios vient de provoquer pour la toute première fois une vision. Son corps s’effondre au sol et le laisse convulser sur une dizaine de morceaux de verre. Après quelques minutes il revient à lui et repart. Il trouve une étrange source de plaisir dans la douleur qu’il s’inflige, et peine à croire qu’il parvient enfin à trouver le chemin de ses prémonitions. S’il est toujours incapable d’en choisir l’objet, il reste suspendu entre le moment présent et le futur. Brusquement un bout de verre vient percer l’arrière de son crâne et l’extirpe de sa crise. Il vient d’assister à un échange pour le moins inattendu entre Elias et un certain Augustus, et quelques minutes avant cela il revoyait sa mort. Ou du moins ce qui y ressemble. Il retrouve le silence et, après plusieurs minutes passées à retirer du verre de sa peau, il ose enfin dit : « Il m’a montré comment faire. Il m’a donné ce que je voulais. » L'envie de crier lui prend la gorge. Il se contente de murmurer les dents serrées. « J'aurais dû t'écouter, je ne peux plus reculer. D'ailleurs je t'ai vu, toi et Augustus. Vous vous cacherez. J'ai aussi vu ma mort. J'ai tout vu, Elias. »

Russian roulette ( ft. elios)

Un millier de sentiments le traversent, semblables à une houle acharnée qui se referme sur lui encore et encore. Helios a terriblement honte. Il est éhonté d’avoir suivi le lapin blanc au détriment de sa sécurité et de celle de son oncle. À l’âge de trente-et-un ans, il n’avait jamais vendu son âme au diable, tout comme il n’avait encore jamais bravé les interdits d’Elias. La chute de leur soirée est spectaculaire et ne manque pas de le rappeler à l'ordre. Il découvre non sans peine que même avec les meilleures intentions, on peut prendre de mauvaises décisions. Son oncle a raison, il s’est laissé aveugler par son égoïsme et la volonté de se débarrasser de son troisième oeil. Il peine à l’avouer, sa maîtrise est encore bancale. Pourtant les portes que lui ouvrent les cachets de Tolstoy ne représentent rien contre la confiance que peut lui accorder Elias, et dont il redoute la perte imminente. Pris de panique à l’écoute de ses mots, il ignore quoi répondre. Le silence pèse sur sa conscience à le rendre fou. Il perd un instant pied et pousse un hurlement sans nom. Un cri rapidement suivi par des convulsions furieuses. Pris dans une marre de whisky et de verre brisé, le voyant est enfin parvenu à atteindre son but. Un graal bien entaché, comme son oncle ne manque pas de le souligner. Il revient à lui après plusieurs minutes de transe, et fait à nouveau face à sa colère et à son ressentiment. Helios frémit tandis que son aîné retire quelques morceaux de verre de sa peau à l’aide de sa baguette. Ses yeux embués de larmes croisent les ambres d’Elias. « Je les ai provoquées, Elias. C’est la première fois que j'y suis arrivé. »

Ses joues s’empourprent au moment où son oncle remet en question le fruit de ses visions. Il ne sait pas comment lui dire la vérité, il ne lui a jamais vraiment parlé de leurs manifestations et encore moins de l’impartialité du destin qu’il prédit. Il ne peut être contourné ou modifié. Lui-même sait à quel point l’acceptation de ce dernier fait est difficile. « Pourquoi crois-tu que je prédis le futur ? Il est incontournable. » Il baisse les yeux avant de se révéler, s’aidant du fauteuil près de lui. D’un coup de baguette il vient nettoyer le sol du désastre qu’il a causé. « Je ne te dirais jamais plus rien. Je suis désolé de cette révélation. Il me semblait que t'y attendais. » Il attrape les cachets restants sur la table et les jette dans l’évier de sa cuisine. Il revient vers Elias désemparé. Sa fatigue est telle qu’il ressent encore le coup du légilimens sur son esprit. « C’est fini, je n’irai plus le voir. Ta leçon se suffit à elle-même. » Il se baisse et attrape un paquet de cigarettes. La tristesse se lit sur son visage. « Après notre mésaventure, je réalise que tu ne m’as jamais raconté ton histoire. »