« Monsieur Lestrange ! » Tu soupiras en levant les yeux au ciel. Tu avais presque cru que tu allais t'en tirer sans te faire attraper. Mais c'était sans compter sur le vieux concierge, qui avait des yeux derrière la tête. « Vous irez de nouveau en retenue ce soir. Je crois que vous commencez à apprécier ma compagnie ! » Tu te retournas pour faire face à ce visage décharné et ce sourire diabolique. Le menton fièrement levé, le torse bombé, tu posas ton regard aussi noir que la nuit sur lui. Imperceptiblement, le concierge recula. Tu n'étais pas très vieux, cependant, ta réputation n'était plus à faire. Tu étais un Lestrange et certainement pas le plus sympathique d'entre eux. Non, avec ton allure de félin, se déplaçant toujours dans l'ombre et ton sourire carnassier, tu faisais frémir la plupart de tes camarades. Et il fallait ajouter à ton apparence peu rassurante, la tendance non-négligeable que tu avais à t'attirer des problèmes. D'un naturel impulsif et violent, tu te retrouvais toujours mêler à toutes sortes d'histoires sans queues ni têtes, mais qui finissaient cependant de la même façon : dans le sang. Si tu aimais remettre à leurs places les petits importuns qui se dressaient en travers de ton chemin, tu provoquais également la bagarre car c'était la seule chose qui te permettait de te sentir vivant. Et peu importait que tu t'y casses le nez ou que tu écopes d'un coquard. Tout ce que tu voulais, c'était sentir la délicieuse odeur du sang qui se répand. « Ma mère dit que j'ai toujours eu un goût particulier pour les antiquités. Je suppose que ce doit être ça. » Un sourire mauvais se dessina sur ton beau visage, tandis que le concierge tournait les talons en marmonnant dans sa barbe. Il te détestait, toi et tout les petits insolents qui se permettaient de venir mettre le bazar dans les couloirs de son précieux Poudlard. Tu passais presque toutes tes soirées en retenues, car tu étais incapable de respecter le règlement. C'était plus fort que toi, tu devais propager le chaos. Lâcher des grenouilles ensorcelées dans les couloirs, enfermer tes camarades dans les cachots, faire exploser tout un tas de choses ou bien ensorceler les balais. Tu n'étais jamais à court d'idées. Pourtant, il aurait pu en être tout autrement pour toi. Tu étais loin d'être idiot, tu aurais pu être le parfait petit élève, docile et discipliné. Mais tu ne tenais pas à ressembler à certains de tes cousins et, de plus, tu n'éprouvais pas vraiment une grande affection pour les études. Non, ton truc, à toi, c'était l'action. Et c'est pour cela que tu étais destiné à devenir un gentil petit soldat et non pas à être aux commandes.

« Regardez qui arrive à l'heure, désirez-vous une médaille, Monsieur Avery ? » Le garçon qui venait de pénétrer dans le bureau du concierge était aussi blond que tu étais pâle. Il était ton parfait contraire. Le teint hâlé, un grand sourire aux lèvres et une aura de charisme qui l'enveloppait. Il était exactement le genre de personne qui attirait les autres, qui avait été propulsé au haut de l'échelle sociale grâce à son allure. Il attirait l'intérêt et devait très probablement connaître un grand succès auprès des filles. Quant à toi, tu étais plutôt un animal sauvage, aussi pâle que la mort, qui effrayait tout le monde et parfois même tes professeurs. « Merci beaucoup, mais mon étagère est déjà remplie, je vais passer mon tour sur la médaille. » Le concierge bouillonnait, tu pouvais le voir. Et cela te fit sourire. Si le jeune Avery était au moins aussi exaspérant et insolent que toi, il était sur que vous alliez bien vous amuser. « Carwyn Avery, j'ai échangé certains ingrédients lors du cours de potion afin que la mixture explose au visage de ta sœur. » « Renly Lestrange, j'ai envoyé deux de tes cousins à l'infirmerie parce que leurs têtes ne me revenaient vraiment pas. » Après une seconde réflexion, le jeune blond te tendit la main, un grand sourire aux lèvres : « Ça me paraît raisonnable. » Tu ne faisais que le deviner, mais tu pressentais déjà que ton amitié avec le jeune Carwyn serait une des plus fortes que tu ais jamais connue. Et tu ne te trompais pas. Après cette première retenue passée ensemble, vous vous retrouvâmes bien souvent condamnés à écrire des centaines de lignes pour exposer vos méfaits. Tu n'avais jamais eu confiance en personne, pas même en tes cousins. Et pourtant, tu aurais suivi Carwyn dans les plus étroits sentiers sans poser de questions. Vous étiez si différents et pourtant, si semblables. Devenus indissociables, il n'y avait rien que tu aurais caché au jeune Avery et tu savais que la réciproque était vraie. Lorsque vous étiez ensemble, il n'était plus question de guerres entre familles, de pouvoirs et de guéguerres. Non, tout ce qui comptait, c'était la façon dont vous alliez occuper la nuit et comment vous alliez commettre le plus de méfaits possibles. Carwyn était le frère que tu avais choisi, celui en qui tu avais décidé de placer toute ta confiance. Celui qui connaissait les affres de ton âme et les désirs de ton cœur. Celui qui ne jugeait pas, pas même lorsque tu exprimais ta soif de sang. Celui qui comprenait tout, sans que tu ais besoin de développer des heures durant. Et pourtant, il était également celui qui menaçait de voler la maîtresse de ton cœur.

⤜ ⤜ ⤜

Assis dans le bureau de Phinéas Black, tu écoutais pieusement les paroles qui sortaient de sa bouche. Dès ton adolescence, tu étais entré à son service, accomplissant ses moindres désirs. Il ordonnait, tu agissais. Tu étais son disciple, son élève. Tu enregistrais religieusement toutes ses paroles. Tu avais été élevé dans l'idée qu'il fallait soutenir les Black, toujours. Après tout, les Lestrange étaient le bras armé de cette ancienne famille. Ils exécutaient, dans l'ombre, les tâches les plus ingrates afin que rien ne se dresse entre les Black et leur au accession au pouvoir. « … Et c'est pour cela que tu épouseras ma fille, Renly. Nous ne sommes jamais plus forts que lorsque nous sommes unis. » Tu sentis alors ton cœur s'accélérer, ton souffle se coincer dans ta gorge. Tu avais souvent rêvé de pouvoir te tenir à ses côtés, de façon légitime. Et non plus comme un chien auprès de sa maîtresse. Et Phinéas semblait t'offrir ton rêve le plus cher sur un plateau d'argent. « J'en serais honoré, Monsieur. » Bien entendu, il aurait été totalement inconvenant de répondre autrement. Mais tu le pensais réellement. S'il t'offrait la main de ta reine de cœur, tu étais prêt à tout pour faire plaisir à Phinéas. Tu tuerais toute la famille Malfoy, s'il le fallait. Tu sacrifierais ton propre être pour lui être agréable. Tu ne te préoccupais que peu des guerres de pouvoirs, ce n'était pas vraiment ton truc. Toi, tu ne comprenais que la violence. Tu étais doué pour répandre sang et chaos, sans remords. Tu serais le meilleur soldat que Phinéas Black ait jamais eu à ses ordres. « Tu es promis à de grandes choses. Nous le sommes. Je te traite d'égal à égal, Renly. Je te promets que tu ne regretteras pas ton choix de m'accorder ton allégeance. » Tu hochas silencieusement la tête, regardant l'homme comme s'il était un véritable dieu. Phinéas Black avait toujours été bon pour toi, t'instruisant et te conseillant afin de devenir le meilleur dans ce que tu savais le mieux faire. Et désormais, il te promettait même la main de la sirène qui avait ravi ton cœur. Jamais tu n'avais connu d'homme aussi parfait que lui.

Elle était la plus belle chose qui soit, à tes yeux. Tu la dévorais perpétuellement du regard, tentant d'apaiser les désirs violents de ton cœur à son égard. Et également ceux de ton corps. Tu la suivais à distance, l'admirant tournoyer sur elle. Les rayons du soleil s'accrochaient sur les mèches plus claires de sa crinières brune, mettaient en valeur sa peau dorée et ses yeux malicieux. Elle riait, insouciante, heureuse et libre. Loin des regards de la haute société, libérée des contraintes sociales et de la pression imposée par ses parents. Vous vous étiez échappés, à la fin de l'après-midi, dans un petit paradis de silence et de tranquillité. Tu te transformais radicalement, lorsque tu étais avec elle. De loup, tu devenais agneau. Tu étais à son écoute, tendre et attentif, prévenant. Oubliées la violence et l'impulsivité. Tu étais à ses pieds, sans défenses. Elle pouvait te mettre à terre d'un seul mot. La sorcière avait une emprise totale et irrémédiable sur ta personne. Tu étais son chevalier servant, son gardien dans l'ombre. Tu la suivais docilement, partout où elle allait, t'assurant de sa sécurité. Tel un chien, tu montrais les dents dès que quelqu'un avait l'audace de lui lancer un regard noir. Tu avais tué pour elle et tu recommencerais, encore et encore. « Viens. » Docile, tu t'approchas. Tu étais totalement impuissant, face à elle. Tu la vénérais, elle était la maîtresse de ton cœur et de ton âme. Elle laissa glisser ses doigts sur ta joue, l'espace de quelques secondes. Et tu sentis ta peau s'électriser, ton cœur se serrer dans ta poitrine. Tu étais si vulnérable, face à elle. Elle était si frêle, tu aurais aisément pu la briser. Mais tu craignais ne serait-ce que de poser la main sur elle. Tu ne voulais pas risquer de la salir, avec la noirceur qui emplissait ton âme. « Merci de m'avoir sortie de cette maison, je n'en pouvais plus de rester enfermée. »  Le sourire qui éclairait son visage valait tout les remerciements. Et dire qu'un jour, la sylphide pourrait être ta femme. Tu ne rêvais que de cela. « Tout ce que tu veux, soufflas-tu. » Tu étais totalement à sa merci mais, pourtant, tu n'en avais pas peur. Elle pouvait te piétiner, tu ne demanderais même pas grâce. « Je suis contente que tu sois avec moi. » Vous étiez tout les deux très peu loquaces, notamment sur vos émotions. Vous ne parliez qu'à demi-mots, lançant des énigmes plus que des affirmations. Tu commençais simplement à entrevoir l'étendue des sentiments que tu éprouvais pour elle. Cependant et tu le savais, malheureusement, jamais la belle ne pourrait éprouver la même chose pour toi. L'ombre et la lumière, le feu et la glace. Tu n'étais qu'une bête alors qu'elle était la plus belle royaume.

⤜ ⤜ ⤜

« .. Malicia ? » Ta voix n'était qu'un souffle. Un simple souffle exprimant pourtant l'amplitude de la peine que tu ressentais. La déception laissait un goût amer sur ta langue. Tu sentais ton cœur sombrer dans ta poitrine, tout tes rêves se briser, petit à petit. « Et bien oui, je t'avais annoncé que tu épouserais l'une de mes filles. » Seulement, ce n'était pas elle à qui tu songeais. S'il y avait bien une fille Black que tu rêvais de serrer contre de toi, d'embrasser jusqu'à en perdre haleine, ce n'était pas Malicia. La sulfureuse brune était belle, drôle et intelligente. Tu l'appréciais. Mais tu étais absolument fou de Phébé. Elle hantait tout tes rêves, chacune de tes pensées. Ta vie n'avait un sens qu'à ses côtés. « Bien sur Monsieur, pardonnez-moi. » Phinéas posa sur toi un regard averti, cherchant à scruter le fond de ton âme. Tu n'avais pas le droit de te montrer déçu. Pas alors que le chef de famille posait autant d'espoirs en toi, pas alors qu'il t'offrait l'une de ses précieuses, même si ce n'était pas celle que tu adulais. « Ce n'était donc pas celle dont tu rêvais ? » Tu baissas la tête, honteux. Tu ne voulais pas décevoir Phinéas. Ce n'était pas digne de toi, pas digne du loyal soldat au cœur de pierre que tu désirais tant être. Tu te levas, perdant l'équilibre l'espace de quelques secondes. Trop d'émotions se bousculaient en toi. Colère, tristesse. Désespoir. Tu devais sortir d'ici et rapidement. « Pardonnez-moi, je dois partir. » Tu te ruas à l'extérieur, courant jusqu'à tes muscles s'admettent vaincus. Et alors un cri monta en toi, exprimant ce trop plein de sentiments. Tu te laissas tomber à genoux. Tu ne deviendrais jamais celui qui rendrait Phébé heureuse. Tu ne serais jamais légitime auprès d'elle. Tu devais rénoncer à l'idée de découvrir chacune des parties de son corps. Et de son âme. T'habituer à la voir se tenir auprès d'un autre homme, sans même pouvoir intervenir. Tu devais l'oublier, tenter de l'effacer de ta mémoire. Mais peut-on raisonnablement tirer un trait sur la moitié de sa propre âme ?

« Renly ? » Tu te laissas tomber dans les bras de ton meilleur ami, sans essayer de masquer l'immense chagrin qui avait pris possession de ton âme. Tu n'avais plus que lui, désormais. Et ce trop plein de whisky pur-feu dans les veines. Tu avais tout essayé pour tenter de faire taire tes pensées. Mais c'était beaucoup plus ardu que ce à quoi tu t'étais attendu. « Qu'est-ce qui se passe ? » Mais comment lui dire ? Comment exprimer ce que tu ressentais ? Cette peine était indiscible. Trop forte pour être énoncée. Pourtant, tu savais que Carwyn été en mesure de comprendre. Mais c'était trop. Trop pour toi. « J'allais te le dire, tu sais. J'attendais juste le bon moment. » Tu reculas, fronçant les sourcils. Carwyn ne pouvait savoir que tu étais destiné à Malicia. Avery et Black n'étaient pas vraiment en odeur de sainteté. « Tu ne pouvais pas savoir … » Le blond se prit la tête entre les mains, faisant les cent pas. Visiblement, quelque chose le tourmentait, lui aussi. « Je n'ai pas eu le choix, tu sais ce que c'est. Sinon j'aurais refusé Renly, je le jure. » Tu étais de plus en plus perplexe. Tu avais l'impression que vous meniez une double conversation. « Je sais à quel point tu es attaché à elle, mais je prendrais soin de Phébé, je le jure. » Ce fût comme si énième poids tombait sur tes épaules. Le monde s'écroulait, autour de toi. Tu avais l'impression d'être en plein cauchemar. Cependant, cette fois, tu ne pouvais te réveiller. Tout espoir de bonheur t'était maintenant retiré. Le futur t'apparaissait bien sombre et triste. Tu n'allais pas épouser Phébé, jamais tu ne la posséderais. Pire encore, ce serait Carwyn qui aurait la chance de partager son lit. Et il était si aisé de craquer pour le blond. Il était tout ce que tu n'étais pas. Tout ce que Phébé aimerait, très probablement. Bien sur, tu aurais du être heureux pour ton ami. Mais à ce moment précis, tu étais trop égoïste pour penser à autre chose qu'à ton propre malheur. Tu te mis à reculer, dardant sur Carwyn un regard à la fois choqué et déçu. « Renly, ne fuis pas, s'il-te-plaît … » Mais ce fût plus fort que toi. Tu retournas à la nuit. Tu avais une soif de sang incomensurable. Ce soir, de pauvres innocents allaient payer pour ton désespoir.