⤜ girl, you'll be a woman soon
« Les garçons, je vais vous faire regretter ça ! » S'exclame la fillette, un large sourire aux lèvres. Ses frères ne cessent de l'embêter et l'heure de la revanche a sonné. Elle se lance dans une course sans merci et les garçons, plus petits qu'elle, lui échappent, courant à droite et à gauche dans la demeure des Avery. Elle se lance après eux et les rires fusent, la maison respire le bonheur. « Tu m'auras pas. » Se vante Luke, d'une voix insolente en lui tirant la langue, mais alors que son attention se porte sur le petit dernier, elle perd Ciaràn de vue. Soudain, elle sent ses mains se poser sur ses yeux et elle sourit à ce geste enfantin. « Devine qui c'est. » Murmure-t-il avant de rire. « Arcadia, viens ici ! » Le ton qui fait violence, cette voix qu'elle ne connait que trop bien. Le sourire de la petite fille disparaît et elle sent les mains de son petit frère se retirer de son visage. Tous les trois se regardent à tour de rôle, ils savent que cela n'annonce rien de bon. Sans plus attendre, elle obéit au patriarche, ne désirant pas l'agacer davantage. « Que fais-tu avec tes frères ? » Dit-il, le regard noir. « Je suis désolée père, je... nous jouions. » Confesse-t-elle en baissant la tête pour éviter son regard. « Arcadia, combien de fois t'ai-je dit que tu n'as pas le droit de jouer comme tes frères ! » Il attrape son menton entre ses doigts et l'oblige à le regarder dans les yeux. « Tu pourrais tomber et écorcher ce si joli visage. Tu as de la chance d'être aussi jolie, ma fille. » Il a pour habitude de lui répéter cela en boucle. En effet, George Avery a toujours été très fier de la beauté de son enfant car il a toujours su que cela lui serait profitable à un moment donné. A défaut de transmettre son nom aux générations futures, elle lui assurera une union des plus confortables qui élèvera la famille auprès de la noblesse sorcière. La petite est porteuse d'une mission depuis sa venue au monde. Et personne, pas même elle, n'a le droit de l'en détourner. Sa vie ne lui appartient pas. Elle est entre les mains du père, qui jouera de ses ficelles en temps voulu. « De plus, il me semble que tu as mieux à faire que de courir avec tes frères. Tu devrais aller te cultiver un peu ou jouer du piano. » Un ordre dissimulé sous des suggestions. Bien entendu, il ne lui laisse pas le choix, car avant d'être un enfant, elle est avant tout l'avenir de la famille et elle se doit de devenir une femme accomplie. Elle lance un dernier regard à ses frères. Elle les jalouse, eux qui ont le droit de faire ce qu'ils leur plait, sans rendre de comptes à personne, pour autant, elle ne bronche pas, ne traine pas des pieds. Elle se soumet, car tel est son devoir.

Le soleil brille dehors, c'est agréable et inattendu. Tous les enfants de la famille s'amusent dehors, se courent après, profitent de la chaleur. La journée s'annonce parfaite, sauf peut-être pour Arcadia qui, comme d'habitude, n'a pas le droit de s'amuser avec les autres et ce pour diverses raisons. Alors, elle prétexte de travailler son art, ayant son chevalet et ses pinceaux, se trouvant tout près d'eux. Ainsi, elle a la douce impression de participer, de faire partie de quelque chose que son père lui refuse. De temps en temps, elle leur jette des regards, des sourires, mais elle dissimule cette jalousie évidente qu'elle ressent. Ils sont libres. Elle aimerait l'être tout autant. Alors, elle peint sa frustration, usant de couleurs sombres, de figures abstraites. Son père n'aime pas réellement ce genre d'oeuvre, préférant ce qui est concret. Un portrait, un paysage, tout, mais pas cela. Il n'y comprend rien ou plutôt, n'essaye pas de comprendre, mais il lui accorde volontiers cette faveur. Sa vie contre un peu de peinture abstraite, il gagne au change. Elle ajoute un peu plus de rouge à son tableau et puis, beaucoup plus. Le rouge l'anime. Le rouge de la jalousie, de la colère, de cette passion qui s'empare d'elle. Elle n'est qu'une enfant, plus grande que les autres, mais une enfant quand même. Néanmoins, seuls les traits de son visage sont enfantins, cela fait bien longtemps qu'il a tué la gamine en elle, sans même le deviner. Il préfère fermer les yeux, ce n'est qu'une fille après tout. Ce n'est pas comme si il avait bousillé l'un de ses fils, les véritables héritiers. Elle, elle n'est bonne qu'à assouvir ses désirs politiques en épousant un bon parti. Elle ne peut même pas s'y opposer, ayant été conditionnée toute sa vie dans ce but ultime. En réalité, une partie d'elle n'attend que cela, afin de briller aux yeux de ce père difficile et très strict. Oui, elle espère accomplir sa mission, même si pour le moment, elle se contente de sourire aux rires cristallins de ses frères, cousins et cousine. Mais soudain, les rires ne sont plus, le soleil disparaît derrière de gros nuages et un cri retentit. Le pinceau trempé de peinture rouge tombe au sol, recouvrant l'herbe verte de ce liquide écarlate. Arcadia court pour rejoindre les siens. Elle questionne tous les visages, ne comprenant pas et puis, elle baisse la tête et voit ce corps, inanimé. Elle ne ressent pas de peine pour ce mort, mais plus de la crainte pour sa famille. Elle doit les protéger. Doucement, elle attrape Adara pour la serrer dans ses bras et lui bloquer la vue. Elle n'a pas besoin d'assister à plus. Les ainés prennent les choses en mains et le problème n'existe plus. Il réside à présent six-pieds sous terre, loin des yeux indiscrets.

Maman est mourante Arcadia, tu le sais. Tu es bien trop maligne pour t'en cacher. Alors admets-le, accepte-le, car quand viendra le moment, ce sera à toi de reprendre le relai. Tu devras être là pour papa et tes frères. Surtout pour Luke. Il aura le cœur en miettes, mais tu seras là pour l'aider à se reconstruire.

Sa mère est partie depuis un an, déjà. La perte n'est pas une absence, mais une présence constante. C'est un mal qui ronge, douloureux et qui ne guérit jamais vraiment. Il n'y a pas de formule magique, pas de potion miracle, pas même dans le monde des sorciers. Faire avec, c'est ce que Arcadia s'efforce de faire depuis plusieurs mois, ne serait-ce que pour son petit frère ou pour son père. Elle n'est pas réellement inquiète pour Ciaràn, elle le sait fort et déterminé, pour ne pas dire, sans cœur. Elle ne le comprend pas vraiment, alors elle ne s'attarde pas sur la question, au risque de déterrer des choses qu'il vaut mieux taire. L'indicible. Néanmoins, en ce jour, le patriarche est finalement porteur d'une bonne nouvelle. « Arca, voici enfin le jour de tes fiançailles. Je t'ai trouvé une bonne union, ma fille. Une qui satisfera les attentes de la famille. » Dit-il, le sourire aux lèvres. En réalité, elle ne l'a probablement jamais vu aussi heureux. Il dépose un baiser sur son front, puis dispose pour retourner vaquer à ses occupations. Arcadia ne sait quoi penser de cette nouvelle. Elle fronce les sourcils, le regard perdu dans le vide – rien. Peut-être juste un soupçon de fierté d'avoir vu son père heureux, comme cela. Un peu plus tard dans la journée, elle croise son frère au détour d'un couloir. « Tu as appris la bonne nouvelle ? » Demande-t-elle en plongeant son regard dans le sien, mais à priori, à la vue de son expression, il ne sait rien. Cependant, elle peut comprendre son intérêt soudain et elle en joue. Elle sourit, prend son temps, le laisser mariner. Puis soudain, ses lèvres se mouvent, crachent le morceau. « Je suis fiancée. » Une claque. Elle observe les traits de son visage qui se contractent à la nouvelle, sa mâchoire qui se sert. Elle en a le cœur qui bat plus vite, plus fort.  « Félicitations, père doit être content. » Il ne peut être plus froid. Elle en a des frissons. « Tu es content, toi ? » Demande-t-elle, faussement innocente. Arcadia bat des cils, adopte une attitude douce et pure. Sa conscience la réprimande fermement, mais une voix dans sa tête la pousse à continuer, à dépasser les bornes. Ne serait-ce qu'un peu. « C'est une bonne nouvelle pour la famille. Alors je suppose que oui. » Il n'a rien à dire de plus et préfère partir, fuir cette nouvelle.

Arcadia,
J'ai malheureusement de très mauvaises nouvelles. Ton fiancé a préféré rompre notre alliance, délaissant notre famille dans la honte et le déshonneur. Qu'as-tu fait ? Cela est entièrement ta faute et je ne te le pardonnerai pas. A compter de ce jour, je préfère que tu ne reviennes pas ici, mais que tu restes quelques temps dans notre résidence secondaire. Cela te permettra de réfléchir à tes actions et à t'assurer de ne plus jamais reproduire les mêmes erreurs.

George Avery.

« Cette fois-ci, l'erreur n'est plus possible, tu m'entends Arcadia ? C'est ta dernière chance. Notre dernière chance. » Lui explique fermement son père. La jeune femme se contente d’acquiescer d'un mouvement gracieux de la tête. Elle sait que son avenir et celui de sa famille est en jeu et elle ne peut essuyer un nouvel échec. Elle marche aux côtés de son patriarche, ses talons aiguilles qui claquent contre le marbre gris de la demeure des Malfoy. Un excellent parti, une alliance qui assurerait de grandes choses pour la famille Avery. Et pourtant, elle se sent sereine. Elle n'est plus l'adolescente vacillante, mais une femme, fatale qui plus est. Avant de pousser les portes de la grande salle à manger, George s'arrête et se tourne pour faire face à sa fille. Il examine sa robe, ses cheveux, son visage de poupée. Elle est parfaite, il le sait, mais il s'assure de la marchandise. Il attrape son menton entre ses doigts et plonge son regard dans le sien. « Ne me déçois pas. Pas encore. » C'est l'heure de faire son entrée. Le patriarche pousse les deux grandes portes et entame la marche, laissant sa progéniture suivre le pas. Arcadia sait son futur fiancé plus jeune de quelques années et de ce fait, s'imagine la tâche facile, presque accomplie. Mais une voix s'élève dans les airs, contrant cette pensée. « Je ne veux pas épouser une vieille ! » La jeune tête blonde tape du poing sur l'immense table en bois massif. Son père hausse le ton à son tour, priant son fils de bien vouloir se calmer, cependant, il ne s'excuse pas auprès de ses invités, il vaut mieux que cela et cela est déjà bien généreux de sa part de penser à cette alliance. Arcadia ne sourcille pas. Un peu de défi ? Elle en rêve et elle ne craint pas la chose. Celle qui est cachée derrière les épaules larges de son père se dévoile à présent, prenant place à côté du jeune homme qui peine à en croire ses yeux. Il est incroyablement arrogant et mauvais, mais pas aveugle. Elle est belle et plus que belle. Il ne remarque plus la différence d'âge, mais rêve d'en faire sa reine, ne serait-ce qu'une nuit.
Un peu plus tard, les pères jugent bon de laisser leurs enfants seuls, afin qu'ils apprennent à se connaître, histoire de briser la glace. Les portes de la salle à manger se referment et les deux têtes blondes se jaugent et s'observent en silence. Un sourire malicieux apparaît au coin des lèvres du jeune Malfoy, il est d'humeur joueuse et il se sait en supériorité. « Pourquoi devrais-je accepter cette union ? » Sa voix est arrogante, agaçante, si bien qu'Arcadia rêve d'ores et déjà d'une mort lente et douloureuse le concernant. Néanmoins, et même si elle possède un répondant légendaire, elle se veut bien plus maligne, bien plus subtile. Elle possède l'art de manipuler les esprits et il sera sa proie. Cela n'en fait aucun doute. Elle le séduit du regard, le charme comme le serpent qu'elle est. « Votre réputation vous précède. Et je dois dire que je suis impressionnée.» Elle flatte son égo, il apprécie. Elle peut voir à ses gestes et à sa nouvelle posture qu'il est désormais plus réceptif, moins sur ses gardes. Le corps ne trompe pas, elle peut donc continuer. « Néanmoins, vous êtes instable. Et j'admire votre audace, mais cela n'est pas le cas de tout le monde. » Il se ferme de nouveau, agacé par ces propos. C'est bien, c'est comme reprendre une sucette à un enfant. La jeune Avery dissimule son sourire. Elle approche sa tête et lui murmure quelques mots à l'oreille, son souffle chaud effleurant la peau du garçon. « Avec mon expérience et ma subtilité, nous ferions l'équilibre  parfait. » Sa main se pose sur la cuisse du jeune homme. C'en est fini pour lui, il est désormais entre ses griffes.

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