Elle écrit, elle griffonne le papier froissé, plume dans la main meurtrie. C'est une charade, une décadence burlesque; une suite sans sens. Pensées et folie s'entremêlent en un instant, un moment, un pan de l'histoire d'une vie. Astrid Lestrange, indiscernable monstruosité. Pleine de complaisances et de plaies.

⤜La rancœur
« Un homme faisait les cents pas, au milieu d'une pièce chaudement éclairée. Il faisait nuit noire et sa carrure imposante dans sa démarche, renvoyait sur les murs, des éclipses d'ombre et de lumière. « C'est une infamie. Un sacrilège ! C'est la fin d'un monde censé. » Ironie. Les poils de son manteau de fourrure semblaient s'hérisser au grès de la colère du sorcier. Le patriarche fulminait à l'idée de vivre une telle miséricorde. Les alliances étaient des liens si solides mais si lâches à la fois. Cette rancœur millénaire, qui au grès du sablier du temps se renforce inlassablement transforme les êtres qui en ont la charge. « Calme moi je t'en prie.. » une voix douce tente de calmer les ardeurs brûlantes de l'homme mais en vain. « Me calmer, dis-tu ? Que les dieux miséricordieux m'entendent hurler au désespoir plutôt que d'être muselé comme un chien. » Le ton était impérieux, transcendant. L'orage gronde, l'animal retrousse les babines.  La voix douce ne se fit plus entendre, nul ne saurait dire si c'était par acquiescement ou soumission. Dehors, les flocons tombaient doucement et les loups hurlaient. Cette famille, aveuglée par des privilèges et l’espoir d’une gloire éclatante était prise entre deux feux ; cette nouvelle alliance était un augure sombre pour un avenir déjà noir.
L'homme s'était arrêté, planté devant une fenêtre. Le regard perdu dans le lointain de ses pensées. Le crépitement du feu dans cette cheminée chantonnait doucement. La femme délicate, assise sur ce canapé, restait toujours muette mais ses traits tirés laissaient transparaître une réelle nervosité. Derrière elle, son époux ne bougeait plus, se tenant toujours dans un mutisme inquiétant. « De mon vivant, je n'accepterais jamais une telle offense. » finit-il de sa voix gutturale mais dans un calme subtil, rompant la lenteur du moment. Des paroles comme mauvais augure. Claquant comme une malédiction, comme un juron envoyé aux dieux ou une promesse de fidélité éternelle.  
De sa frêle masse, Astrid était recroquevillée en haut de l’escalier immense, assez loin pour éviter d’apporter des soupçons, mais point assez près pour entendre les paroles distinctement. De simples bribes de paroles, des mots parvinrent à son oreille mais le ton de la voix ne laissait planer aucun doute. La fille Lestrange n’était pas dupe. « Cette alliance est le fruit d’une longue réflexion... et nous n’avons été dans la confidence. C’est un coup de poignard. » alliance, confidence, poignard. La matriarche suppose : « Peut-être est-ce une bonne chose.. peut-être pourrions nous en profiter nous aussi pour atteindre plus facilement notre but. » Ces dernières paroles tombent  dans le vide, il ne répond pas. Un long soupir, profond, s’en suit.
Astrid saisissait l’enjeu mais point encore le véritable sentiment. Elle était jeune mais point stupide et dans une famille aussi redoutable que les Lestrange, les enfants étaient éduqués selon les préceptes et les ambitions familiales. Elle était d’une innocence volée.
Finalement, elle s’éclipse, ne prenant plus d’intérêt à la conversation de ses géniteurs et retourne vers sa chambre. Au passage, elle s’arrête un instant devant la chambrée de son petit frère, cet être qui seul possédait tout l’amour de la petite fille. Il était un précieux, un amour inconsidérée, une entité éternelle dans son esprit et son cœur. Mais vite, elle disparaît, fantomatique et parcourt les dédales de couloirs. Finalement, elle se plonge dans son grand lit. Posant la tête sur son oreiller, elle garde les yeux ouverts tandis que son esprit travaille. Les alliances étaient des jeux dangereux auxquelles tout le monde s’adonnait sans en connaître les conséquences. C’étaient des rondes, auxquelles tout le monde se joignaient avec plaisir. Mais elles étaient meurtrières et terribles. Astrid en était effrayée derrière son masque de poupée insupportable ; elle rêvait d’un endroit loin de cette tumulte, d’un endroit où elle n’aurait jamais cette épée de damoclés sur sa tête. Mais elle était à la fois fascinée par ces manigances, ces chemins tortueux qui apportaient la gloire et l’incandescence ou la mort et le misérable.

⤜ l'éclosion
Debout face au miroir, la belle s’observe. Elle ne porte sur sa peau qu’une simple robe blanche, transparente, de celle que l’on porte pour la nuit. Elle était d’un naturel éblouissant. Ses longs cheveux noirs tranchaient avec la blancheur de son vêtement et retombait en cascade dans son dos, éclaboussaient ses épaules et caressait son visage ; sa peau pâle et ses traits doux lui donnait cet air angélique et sage. Ses yeux parcourent les moindres parcelles de son  corps et elle se mue dans un mutisme permanent.
La petite fille avait mué en une jeune femme. Elle était face à ce miroir et prenait conscience de sa nostalgie du passé ; de ce moment où rien ne se poser sur ses épaules et où la candeur décrivait parfaitement son esprit. Son petit frère était un homme délicieux et un parti exquis donc elle osait à peine imaginer le temps de son union. Elle ne voulait partager pour rien au monde ses précieux, il en était un. Mais elle chasse déjà cette idée de sa tête qui lui est insupportable et se concentre de nouveau sur son reflet. Quoi qu’elle semble regarder ailleurs. Elle était apaisée, sereine et joviale. C’est une posture délicate quand les murmures de ses cris capricieux résonnaient encore dans la matinée. Elle avait éclaboussé la maison de son courroux et de son déplaisir. La reine insupportable avait briser quelques vaisselles, habillant le sol de la cuisine de ses morceaux de porcelaine.
Elle était un être qui feintait la tristesse et la joie en un instant ; divine enfant du diable, elle n’était doté que d’un intellectuel détestable dans un corps faible. Au détriment de cette force qui lui manque cruellement, elle se sert de son esprit pour œuvrer. Elle soupire d’ennuis et jette un regard en biais à ses vêtements posés sur son lit. Astrid se prépare car une réception est donné ; une sorte de réunion composant sa famille et les Black. L’alliance entre la maison étrange et la maison noire était vieille comme le monde et pourtant, chacun semblaient toujours se dévisageait en coin, comme s’ils ne se portaient toujours pas confiance. C’était le sentiment qu’elle avait ou du moins, celui qu’elle portait. Pourtant, elle admirait cette famille dont sa propre mère était originaire. Elle se disait fière d’être black de moitié bien que davantage orgueilleuse d’être Lestrange.
L’heure finit par sonner le moment venu : elle était attendue et elle voulait rejoindre son frère. Fin prête, elle descend en hâte mais toujours le port relevé vers la source de vie que constitue la réunion de ces sorciers.

⤜ le temps de l'union
Cette chevelure liliale, d’un noir de jais sortie des profondeurs du paradis danse au grès de la brise qui s’éprend de ce bel être. Elle frémit par la fraîcheur tandis que son regard ne peut se détacher de l’horizon. Cette dégaine, si sauvage et tellement libre contraste avec la routinière, étouffée par les retenues princières et les apparences trompeuses. Sa robe d’or caresse ses jambes aux mouvements du vent et fermant les yeux profondément, elle inspire toute l’air que ses poumons peuvent encore attraper. Les moindres fibres de son corps se détendent et elle oublie un instant le fardeau d’une  vie damnée. Elle était un pion et un reine en même temps, la façade à vendre d’un château de verre. L’éclat de la mélancolie s’amourache un instant de ses yeux tandis que son regard se perd dans les plaines au loin. C’était un moment où elle n’entendait que sa respiration apaisée, bercée par les  chants de la nature et la quiétude d’un endroit protégé. Hors du temps, elle est maître d’un monde dénué d’homme, sur ce balcon de pierre qui lui sert de trône devant l’immensité solitaire. Elle semble être hors d’atteinte, sous aucune emprise sinon la sienne.
De ses doigts fins, elle caresse blanche, fissurés par le temps dans une lenteur contrôlée. Astrid reste silencieuse car l’environnement est agréablement bruyant. Elle se contente d’observer ce qui l’entoure du haut de cette tour qui est sienne. Elle idolâtre les hauteurs ; de ces hauteurs qui la font sentir reine et maître d’elle-même. Mais la magie s’estompe au moindre bourdonnement déplaisant quand on vient frapper à la porte. Un claquement sourd mais puissant qui l’arrache à ses pensées dans une violence folle. Ses fibres se tendent directement et instinctivement, elle se retourne presque d’un bon, les cheveux suivant cette cadence folle. De la paresse à une réactivité folle, ses fibres se tendent. L’animal retourne à ses chaînes dans un bond et se dirige vers cette source de vie.
Elle s’approche de cette porte boisée massive mais reste silencieuse, recoiffant au passage les quelques mèches furibondes par le vent qui la rendent négligée. Elle n’a presque pas le temps de rabattre ses bras dans une position noble que la porte s’ouvre.
Ses traits se tendent et elle adopte un port infiniment altier, ses yeux rêveurs s’envolent, bercés par la brise folle pour laisser place à ce regard dur d’une reine anoblie par le temps. C’est un homme. Massif et dangereux, le patriarche Lestrange se tient devant sa progéniture. De sa carrure, il la surplombe volontiers et son regard la rend faible de soumission et d’amour. Sa mâchoire contractée, elle lui enjoint presque immédiatement une révérence légère pour salut.
« Père, » un seul mot, neutre, presque sans émotion. L’homme l’observe sans qu’aucune émotion puisse transparaître. Ou presque. Cet homme voyait en sa fille, un amour réelle mais teintée par la folie de grandeur et de vengeance. Celle d’un blason doré par le succès et la puissance. «  Je viens t’informer, ma fille, de ton imminente union. » Ce dernier mot la glace, elle tressaillit sous le poids du destin cruel. A l’entente de cette mort nouvelle, elle baisse la tête, sans doute dans le but de sauvegarder ses traits faibles, cette mine déconfite et définitivement résignée. Edric Lestrange ne semble point remarquer le malaise de sa fille, sinon feint l’ignorance. « Il est un homme parfait qui saura donner tout le support dont notre noble famille à besoin. » S’approchant un peu plus de sa fille, il continue. « Ton mariage nous apportera la sécurité dont nous avons besoin et une alliance renforcée. Notre famille est notre seul sauvegarde et notre trésor que nous devons protéger envers et contre tous. » Sa voix gutturale était profonde. L’enjeu était réel et prenait de l’ampleur, chaque jour encore. Elle était destinée depuis fillette d’être unie un jour, à un parti dont elle n’aurait aucun pouvoir de décision. Elle redoutait cet instant plus que jamais et il arrivait, enfin qui marquait déjà la destruction d’un espoir insensé nourrie par des années de vie.
Astrid écoutait ses paroles en feintant par son don inné de la comédie, le malaise profond de son être. Elle relève la tête enfin quand son géniteur semble trop proche d’elle, comme d’une méfiance naturelle à son égard. «  Je suis ravie de participer à la prochaine gloire de notre vénérée famille, père ». fit-elle, dans un sourire faux mais ravissant. Elle semblait vouloir croire à ses paroles mais parvenir à le faire. Ce sourire feint et rassurant eut l’effet  d’adoucir le patriarche qui se permet de poser une main lourde sur son épaule frêle. Un bref moment de tendresse paternelle avant qu’il ne s’évapore avec l’individu. La porte se referme laissant ballant la jeune femme, proie à ses propres démons. Le sourire s’efface et laisse place aux véritables sentiments. Elle se retourne bientôt, jette un dernier regard à ce balcon, cet endroit privilégié dont elle est la seule maîtresse, comme si ce ne fut déjà qu’un doux rêve. »

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