but innocence is gone, and what was right is wrong
Les larmes coulaient sur les joues de la fillette tandis qu'elle se tenait entre Carwyn et Luke, pressée contre son frère. La tête haute, elle défiait du regard le gamin qui avait osé lever la main sur elle. Il ne l'avait pas fait exprès, Adara le savait, mais elle avait décidé qu'il méritait une punition pour le geste qu'il avait eu à son égard. Une piqûre de rappel pour qu'il ne refasse jamais la même erreur. Sauf que rien ne s'était passé comme prévu. Le garçon avait décidé de ne pas se laisser faire, ripostant par les mots et par les coups à la violence employée par les Avery. C'était sans compter le tempérament des deux garçons. En quelques secondes, la situation dégénéra. Debout au milieu du jardin, la petite fille observa son frère et son cousin ôter la vie au sang-de-bourbe qui les avait toujours servi. Son visage de porcelaine, mouillé par les larmes, ne trahissait aucune émotion. Elle était sous le choc, marquée par la violence et la haine qui avaient animé les membres de sa famille. Bien trop jeune pour pouvoir supporter une telle vision, pour pouvoir comprendre la gravité de leurs actes. Les voix des deux garçons résonnaient comme un écho à son oreille, elle ne réussissait pas à mettre de sens sur leurs mots. Accrochée à la main de son frère comme à une bouée de sauvetage, la fillette était muette. Ses iris étaient fixés sur le corps sans vie de l'enfant, sur les traits convulsés de son visage, sur les marques violacées qui enlaçaient son cou. Une main ferme mais douce vint se refermer sur le bras de la cadette, l'attirant dans une étreinte qui obligea l'enfant à s'arracher de la contemplation morbide du défunt. C'était Arcadia, qui agissait avec toute la maturité que son âge lui avait apporté. Adara ne chercha pas à se débattre, ni à se défaire des bras de sa cousine. Elle se contenta de fermer les yeux, mais l'image du cadavre était déjà ancrée dans sa mémoire, gravée sur sa rétine.

Elle pleurait, des sanglots qui l'empêchaient de respirer correctement. Tout le poids de la culpabilité, de la peur et de l'horreur qui s'étaient accumulés sur ses frêles épaules ; tout ce qu'elle n'avait pas été capable de dire ou de ressentir au moment de l'accident, qui l'accablaient désormais. Sa vision rendue floue par les larmes, elle discernait la silhouette de sa mère qui lui faisait face. Ils sont tous là, tous les enfants du clan, tous ceux qui avaient participé, de près ou de loin, au meurtre du sang-de-bourbe. Tous complices, liés par un secret morbide. « Oubliettes. » Et tout s'était effacé. Un simple mot, prononcée par la voix suave de sa mère, et Adara oubliait tout de cet incident. Débarrassée de la nausée qui tordait son estomac, du poids qui pesait sur sa poitrine, l'enfant retrouva le sourire qu'elle arborait d'ordinaire. Son innocence protégée, elle pouvait continuer à vivre sans le prix de la mort sur la conscience.


when night comes
C'était un cri qui avait réveillé la fillette en sursaut. Son propre cri, détail qu'elle n'assimila qu'après avoir retrouvé ses esprits. Oppressée par l'obscurité qui régnait dans sa chambre, Adara tendit sa petite main vers la lampe de chevet qui trônait sur sa table de nuit. L'ampoule éclaira de son halo jaune la pièce, projetant des ombres inquiétantes sur les murs blancs. Serrant sa peluche contre son cœur, la petite fille essayait d'oublier son cauchemar. Toujours le même, ou presque, désarmant de réalité. Ce petit garçon dont elle était incapable de décrire les traits, mais qui la fixait de ses yeux vitreux. Cette nuit, il s'était contenté de l'observer, sans dire un mot. Parfois, un murmure passait ses lèvres, l'accusant d'un crime dont elle n'avait pas connaissance. « C'est ta faute. » Mais Ada ne comprenait pas ce qu'il lui reprochait. Malgré tout, ces accusations lui glaçaient le sang, la faisaient perdre tous ses moyens. Généralement, le rêve se terminait lorsque la cadette commençait à suffoquer dans son sommeil, alors que le garçon enserrait son cou délicat de ses mains froides. Elle se débattait, mais peu importe l'énergie qu'elle mettait dans sa lutte, elle n'arrivait jamais à se défaire. Avant de perdre totalement connaissance, elle finissait toujours par se réveiller en sueur dans son lit. Un frisson secoua l'échine de la petite fille alors que les images de son mauvais rêve lui revenaient en tête. Poussant la couverture qui l'emprisonnait, Adara se redressa avant de poser ses pieds sur le parquet. Elle savait que si quelqu'un la voyait hors de son lit à une heure si tardive, elle aurait des problèmes, mais elle s'en fichait. Dès qu'elle fermait les yeux, les souvenirs l'envahissaient, l'angoissaient, si bien qu'elle savait que dormir seule serait impossible pour elle cette nuit. D'un pas léger, qu'elle avait obtenu grâce aux années de danse classique, la fillette poussa la porte de sa chambre et se faufila dans le couloir. Hésitante, la cadette décida finalement de rejoindre la troisième porte du couloir. Cette dernière grinça alors qu'Ada l'ouvrait, une moue se dessinant sur son visage. Elle ferma la porte derrière elle, doucement, tandis qu'une voix endormie s'élevait du fond de la pièce. « Ada? Tu devrais être dans ton lit. » L'enfant vint rejoindre le chevet de son frère aîné, sa peluche fermement serrée contre elle. Carwyn l'observait d'un air lointain, toujours à moitié happé par le sommeil. « J'ai fait un cauchemar. S'il te plait, je ne veux pas dormir seule, j'ai peur. » Pour seule réponse, elle eut le droit à un chuchotement étouffé qui ressemblait à un oui. Sans se faire prier, Adara s'allongea près de son frère. Elle savait que demain, elle aurait le droit aux réprimandes habituelles de sa mère, ainsi qu'aux paroles réconfortantes de son frère. Elle savait que l'un comme l'autre, ils allaient lui dire qu'elle n'allait pas toujours pouvoir venir se réfugier chez son frère, qu'elle avait besoin de faire face à ses peurs. La fillette le savait, elle aussi, mais elle avait bien du mal à combattre ces cauchemars qui perturbaient ses nuits depuis plusieurs mois déjà. C'était comme s'attaquer à un ennemi invisible, inconnu.


you and me and the devil makes three
Elle n'en avait pas suffisamment profité lors des années précédentes, mais Adara comptait bien tirer avantage de la salle de bain des préfets pour sa dernière année. Prélassée dans le grand bain moussant, l'adolescente observait avec un sourire satisfait l'insigne qui brillait entre ses doigts. Un nouveau trophée à ajouter à son palmarès, l'une de ses plus belles victoires. Préfète en chef. C'était tout ce dont elle avait besoin pour achever sa scolarité à Poudlard, pour confirmer son parcours sans fautes. Elle avait travaillé dur pour qu'on la considère pour le rôle, et sa victoire lui semblait plus que méritée. La main libre de la sorcière effleura la surface de l'eau, la mousse qui dégageait une odeur de lavande. Profitant du calme que la pièce avait à offrir, la jeune femme ferma les yeux quelques secondes. Elle fut ramenée à la réalité rapidement lorsqu'un bruit sourd la fit sursauter. La porte s'ouvrait lentement, dévoilant une silhouette fine à la chevelure sombre. Le sang de la serdaigle ne fit qu'un tour lorsqu'elle reconnut l'adolescente qui s'avançait dans la salle de bain. « Qu'est-ce que tu fais là? » Amarantha Black, dans toute sa splendeur, accompagnée de son aura si détestable. La serpentard arborait un sourire faux, tandis que ses iris se posaient sur la silhouette de l'adolescente dans l'eau. Cette dernière fut reconnaissante de la mousse qui constituait une barrière entre son corps nu et le regard perçant de sa rivale. « Pars. » Il ne s'agissait pas d'une question, ni même d'une proposition, c'était un ordre. Il était hors de question pour Adara de partager la salle de bain avec la brune. Elle était venue ici pour se détendre, et refusait de laisser ce bon moment devenir désagréable par la faute de la Black. Le sourire de la jeune femme s'étira davantage alors qu'elle déposait ses affaires sur le côté. « C'est toi que ça dérange, donc c'est toi qui devrais partir. » Elle avait des envies de meurtre, elle qui était d'ordinaire plutôt pacifiste (préférant laisser les autres se salir les mains). Un soupir échappa des lèvres de la serdaigle tandis que l'adolescente se délaissait des vêtements qu'elle portait. La gêne ne semblait pas être un sentiment dont la brune s'embarrassait, puisqu'elle se tenait nue au bord du grand bain. Plongeant un pied dans l'eau, puis le second, Adara ne pouvait s'empêcher de l'observer. Le corps féminin ne lui était pas inconnu, bien sûr que non, mais jamais elle n'avait ressenti ça auparavant. Ses iris détaillèrent la courbe de ses hanches, la finesse de ses jambes, frôlant dangereusement l'arrondi de sa poitrine. Embarrassée, la jeune femme détourna rapidement le regard, avant que sa rivale n'ait pu remarquer les œillades qui lui étaient destinées. Elle ne comprenait pas, s'agissait-il d'une curiosité malsaine, ou de quelque chose de plus profond? Tout ça échappait à l'adolescente, qui préférait refouler tous ses ressentiments dans un coin de sa tête plutôt que de s'attarder dessus. Elle concentra toute son attention sur l'insigne entre ses mains. Amarantha s'installa en face d'elle, l'observant de loin. Ada était reconnaissante que le bain soit aussi grand, même si la présence de la serpentard lui déplaisait fortement. « Je sais que tu as encore ta défaite en travers de la gorge, mais ça n'est pas une raison pour venir partager mon bain, préfète. » Leurs iris se croisèrent et la cadette Avery savait qu'elle avait touché un point sensible. Cette lueur dans les yeux bleus de la brune ne trahissaient personne. Elle avait la rage, ne décolérait pas d'avoir été battue à cette compétition. Et Adara ne pouvait camoufler le sourire arrogant qui éclairait son visage. Elle était incapable de se souvenir de la raison qui avait animé leur rivalité en premier lieu, mais elle se rappelait parfaitement de l'événement qui avait fait s'embraser leur relation déjà bancale. L'image de l'épouvantard était ancré dans sa mémoire, la créature qui s'était transformée en petit garçon, parfait reflet de la mort et les rires des élèves qui résonnaient en arrière fond. La jeune fille s'était retrouvée paralysée devant sa plus grande peur, incapable de réagir et de lancer un sortilège riddikulus pour se sortir de cette situation. Et Mara était venue l'aider, avait forcé chaque personne présente à quitter la pièce avant de faire disparaître l'épouvantard. Adara avait presque cru avoir trouvé une alliée de choix au sein de Poudlard, mais elle s'était trompée. Amarantha et son don de métamorphose. Amarantha qui l'avait trompé, qui avait prit l'apparence de quelqu'un d'autre pour la piéger. Depuis ce jour, l'adolescente avait compris à qui elle avait à faire et elle savait qu'elle ne pouvait plus baisser sa garde. L'une en face de l'autre, les deux adolescentes se toisaient sans dire un mot. Adara ne voulait pas céder et quitter la salle de bain, elle ne voulait pas laisser sa rivale gagner cette manche. Alors même si la situation l'enrageait, la gênait au plus au moins, elle gardait sur son visage le masque d'indifférence qu'elle portait jour après jour, ne laissant aucune émotion transparaître sur son visage de poupée. « Au fond tu dois sûrement un peu trop m'apprécier pour passer ton temps en travers de mon chemin. » Elle aimait beaucoup trop de la provoquer. Et la serpentard ne se fit pas prier pour lui répondre. Une lueur différente éclaira son visage, alors qu'elle se saisissait de sa baguette qu'elle avait gardé au bord de l'eau sans qu'Ada ne le remarque. « Petrificus Totalus! » Elle se retrouvait désormais totalement immobilisée, à la merci de cette jeune femme qu'elle méprisait. Amarantha s'approcha lentement d'elle, dangereusement même. Elle avait sur son visage cet air de prédateur qui aurait donné des frissons à la serdaigle dans d'autres circonstances. Incapable de détourner le regard, Adara fixait l'adolescente, qui était désormais bien trop proche à son goût. Quelques centimètres à peine qui les séparaient, une proximité troublante pour la jeune femme. Délicatement, les doigts de Mara vinrent trouver les siens, lui dérobant l'insigne qu'elle tenait toujours fermement entre ses mains. « Cet insigne devrait être à moi. » Elle tournait le badge entre ses doigts, l'observait attentivement. Elle avait presque l'air déçue. « Choisir une serdaigle, quelle déception. La facilité, je dirais même. » Un sourire étira les lèvres de la brune, tandis qu'elle se penchait vers son ennemie. Leurs peaux se frôlaient, mais elle ne semblait pas s'en soucier. Adara sentait la cadence de son cœur augmenter, alors qu'elle se débattait avec son esprit. Elle n'arrivait pas à se concentrer sur le sortilège informulé qui l'aiderait à se sortir de cette situation. Incapable de se concentrer sur autre chose que sur le corps de la Black. « Tu sais qui est d'accord avec ça? » Elle murmurait, de sa voix suave, et Adara se demanda, l'espace de quelques secondes, si elle n'était pas apparentée à une vélane. Elle éprouvait presque de la sympathie et de la compréhension pour tous ces hommes et toutes ces femmes qui étaient tombés entre ses griffes. Peut-être que si son esprit avait été plus faible, elle aurait cédé, elle aussi. « Ton frère. Il me l'a avoué entre deux gémissements, la dernière fois qu'il a partagé mon lit. » Elle l'aurait tué pour avoir ancré cette image dans sa tête. Elle avait envie de vomir rien qu'à l'idée de cette garce et de Carwyn ensemble. Elle l'avait prévenu, avait essayé de le dissuader, mais il s'en fichait. Il finirait par tomber de haut, tôt ou tard. Finalement, c'est ça qu'il fallut à Adara pour revenir à la raison. Une fois de plus, elle répétait la formule dans sa tête, avec une conviction nouvelle. Elle sentit ses membres se détendre, son corps libre à nouveau. Mais elle ne bougea pas, continuant d'observer l'autre femme, faisant semblant d'être toujours sous son emprise. Une nouvelle idée germait dans son esprit. « Tu devrais te joindre à nous un jour. » Elle se mit à rire, le son envahissant toute la pièce. L'adolescente profita de ce relâchement pour s'emparer de la baguette de sa rivale. « Obscuro. » Elle n'était pas sûre de son coup, mais la baguette sembla coopérer. Un juron échappa des lèvres d'Amarantha tandis qu'elle fit un pas en arrière, déstabilisée. Adara profita de la situation pour sortir de l'eau, laissant derrière elle la baguette, au bord du bain. Elle enfila rapidement ses vêtements, passant sa robe par-dessus en hâte. Ignorant les insultes de Mara qui cherchait à tatillon sa baguette, la serdaigle hésita un instant à la vue des vêtements de l'adolescente. Un sourire s'empara de ses lèvres, tandis qu'elle attrapait les affaires de la Black. « C'est toujours un plaisir de te voir, Amarantha. » Sans attendre une seconde de plus, elle poussa l'imposante porte de la salle de bain, alors que la sorcière ayant tout juste retrouvé la vue regardait la jeune Avery quitter la pièce avec tous ses vêtements.


eyes bright, chins up, smiles on
Ses joues commençaient à la faire souffrir à force d'arborer ce sourire forcé depuis le début de la soirée. Tout n'était que faux-paraître, que mensonges et comédie. Alors Adara jouait le jeu, elle aussi. Habillée d'une robe rouge, les cheveux relevés dans une coiffure élégante, parée de bijoux raffinés, elle se laissait porter de conversation en conversation, de groupe en groupe. On la présentait à certaines personnalités qu'elle ne connaissait que de nom, elle riait aux plaisanteries qu'on lui adressait, elle séduisait, à sa façon. Son charme naturel avait toujours porté ses fruits. Désormais, elle n'avait plus vraiment besoin de tout ça. Le bras qu'elle enlaçait parfois témoignait de sa future union. Elle l'aurait volontiers ignoré toute la soirée si on lui avait laissé le choix, mais le regard insistant de sa mère le défiait de le faire. Future Rosier, elle avait bien du mal à s'y faire. Elle savait qu'elle avait encore quelques années devant elle pour faire mûrir son plan, car elle refusait de se laisser réduire à être la femme de quelqu'un. Elle voulait être quelqu'un; qu'on connaisse son nom pour ce qu'elle avait fait et non pas pour la personne à qui elle était mariée. Ses doigts fins se saisirent d'une coupe de champagne que le serveur lui proposait, tandis qu'elle hochait doucement la tête aux paroles que son interlocuteur lui adressait. Son attention fut rapidement attirée par son frère, non loin d'elle, accompagné de son épouse. Elle la détestait, comme elle avait toujours détesté toutes les femmes qui partageaient sa vie. Un soupir échappa ses lèvres tandis qu'elle s'excusait poliment auprès de la personne qui lui faisait face. Elle avait besoin de s'éloigner. Ses pas la menèrent jusqu'aux jardins de la propriété, baignés par les rayons de la lune. Elle se sentait étouffée au milieu de toutes ces personnes, elle qui d'ordinaire se sentait si à l'aise dans les soirées mondaines. C'était son élément, elle avait été élevée pour ces 'événements. Mais ce soir, elle n'avait pas la tête à ça. Bien trop préoccupées, sans savoir expliquer pourquoi. Elle se sentait morose, ce qui n'était pas arrivé depuis bien longtemps. Elle avait mis un point d'honneur à prendre sa vie en main et à ne rien laisser se mettre en travers de son chemin. Avoir le contrôle de tout, même de ses émotions. Et pourtant, Adara sentait que quelque chose lui échappait, sans réellement pouvoir mettre le doigt dessus. Peut-être ne voulait-elle tout simplement pas ouvrir les yeux sur la réalité. La jeune femme ne sentit pas la présence derrière elle jusqu'à ce qu'une voix féminine vienne la sortir de ses pensées. « Qu'est-ce que tu fais dehors? » Auriane. Un léger sourire - sincère - éclaira le visage d'Ada tandis qu'elle se retournait. « J'avais besoin de prendre l'air. J'arrive. » La Rosier ne chercha pas à insister, se retirant à nouveau à l'intérieur du château. Adara ferma les yeux quelques secondes, profitant un dernier instant de l'air frais. Ses traits détendus retrouvèrent le même sourire qu'ils avaient arboré toute la soirée tandis qu'elle retournait dans la fosse aux lions.